Depuis 1964, la sous-évaluation fiscale des villas et des appartements en PPE a coûté des milliards de francs à l’État et aux communes. Pour sortir de l’illégalité, le Conseil d’État avait élaboré un projet sur le modèle zurichois qui aurait rapporté près de 100 millions d’impôts supplémentaires par an. La droite unanime et le MCG n’en ont pas voulu. Ils lui ont opposé un projet socialement scandaleux et juridiquement indéfendable qui ferait perdre une centaine de millions aux collectivités publiques. Des recours de droit et un référendum facilité (500 signatures) seront lancés…
Aucune évaluation sérieuse de la valeur des villas et des PPE depuis 1964
Depuis 1964, cela fait 58 ans que la valeur fiscale des villas et des appartements en PPE n’a pas été réévaluée. On s’est contenté de la majorer, de 20% à 3 reprises (1985, 1995 et 2005), puis de 7% (2019), sans prendre en compte les hausses réelles du marché. Avec le projet de loi de la droite, les majorations opérées seraient d’ailleurs largement annulées par la réduction admise de 4% par an de la valeur des biens immobiliers, à concurrence de 40%, en raison d’une occupation continue par le même propriétaire ou ses usufruitiers. Ce mécanisme représente une entorse au droit supérieur.
Genève était déjà dans l’illégalité depuis l’introduction, en 1993, de la Loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs (LHID), qui donnait 8 ans aux cantons pour que l’imposition des immeubles non locatifs soit calculée sur leur valeur vénale. Avec une réévaluation fiscale décennale de 7% seulement, en 2019, la majorité de droite avait déjà été sanctionnée pour avoir violé les principes de l’égalité de traitement et de la taxation en fonction de la capacité contributive.
Une sous-évaluation qui coûte 266 millions par an aux collectivités publiques
Le Département des finances a dès lors planché sur une réforme de l’évaluation fiscale des immeubles non locatifs selon la méthode « schématique » zurichoise, basée sur les transactions réelles du marché. Une telle réévaluation aurait rapporté 221 millions de francs supplémentaires à l’État, dont 189 millions au titre de l’impôt cantonal sur la fortune, sans compter 45 millions d’impôt communal, soit un total de 266 millions.
Le projet du Conseil d’État était une base de travail sérieuse. Les mesures d’accompagnement en faveur des petits propriétaires aux revenus modestes étaient légitimes. En revanche, nous étions opposés à la baisse associée de 15% du taux d’imposition sur la fortune, qui favorisait avant tout les grandes fortunes, y compris d’ailleurs leur composante mobilière.
Une provocation du PLR
Le PLR, suivi par toute la droite, a cependant profité de l’échec en commission du projet de sa conseillère d’État pour élaborer un projet tout à fait provocateur, qui propose d’ajouter à la dernière hausse de 7% de la valeur fiscale des immeubles non locatifs, une hausse complémentaire de 12%, sans rapport aucun avec l’augmentation de la valeur vénale de ces biens immobiliers.
À l’avenir, l’adaptation aux prix du marché serait ainsi réalisée par une indexation au coût de la vie de cette valeur fiscale de départ, largement sous-estimée, plafonnée de surcroît à 1% par an. Cette loi propose donc d’accroître encore, à l’avenir, l’écart entre valeur fiscale et valeur vénale de la fortune immobilière, l’indice du coût de la vie progressant beaucoup moins vite que l’indice des prix immobiliers.
Ce texte de loi est juridiquement inepte pour les raisons suivantes :
1. Il prend comme point de départ une valeur fiscale sans lien avec la valeur vénale.
2. Il ne tient pas compte de l’inégalité de traitement entre anciens et nouveaux propriétaires, puisqu’au moment d’une succession ou d’une vente, la valeur fiscale est alignée sur la valeur vénale.
3. Il prévoit une réévaluation fiscale future déconnectée du marché, indexée sur le cout de la vie et plafonnée à 1% par an, plutôt que sur l’indice des prix de l’immobilier résidentiel de l’OFS (IMPI).
4. Il viole les articles 50 et 52, al. 2 de la loi sur l’imposition des personnes physiques (LIPP), qui fixent les principes d’estimation des immeubles et précisent leur mise en œuvre.
5. Il prévoit une réduction de 4% par an de la valeur fiscale des immeubles non locatifs occupés par le même propriétaire ou ses usufruitiers qui est contraire au droit supérieur.
6. Il réduit l’impôt immobilier complémentaire de 1 pour mille à 0,2 pour mille en faveur des personnes physiques occupant les immeubles dont elles sont propriétaires.
7. Il réduit de 15% le taux d’imposition sur la fortune mobilière et immobilière, qui profite aux très grosses fortunes.
Le référendum s’impose
Les auteurs de ce projet de loi savent qu’il sera cassé par la justice, s’il n’est pas rejeté avant par le peuple. Mais ils font ainsi gagner du temps et de l’argent aux privilégiés. Cette flibuste parlementaire ne prendra fin qu’avec une décision de justice impérative, un changement de majorité au Grand Conseil, une décision réglementaire du Conseil d’État ou un vote populaire.
Le projet de la droite entend aussi donner un coup d’accélérateur supplémentaire à la politique des caisses vides, puisqu’il coûterait une centaine de millions aux collectivités publiques. Nous nous y opposerons en lançant un référendum.
Jean Batou