Face à l’Initiative 184 des Verts libéraux pour un congé parental de 24 semaines la méfiance s’impose. Proposer mieux que les 2 semaines de congé paternité votées en septembre 2020 est certes nécessaire ; mais en aucun cas en remettant en cause les 2 semaines supplémentaires genevoises de congé maternité, résultant de l’œuvre pionnière en la matière introduite par le Canton en juillet 2001. Or, tel est le cas de l’IN 184, qui de surcroît modifie le mode de financement et exclut les indépendant·e·s de l’accès au congé paternité. Cette initiative propose un congé parental de 24 semaines, réparties en 16 semaines pour la mère et 8 semaines pour le père, avec toutefois, et c’est là, notamment où le bât blesse, la possibilité pour chacun des parents –  moyennant entente – de céder 2 semaines de son congé à l’autre parent !

Instaurer une véritable congé paternité est indispensable pour que tous les parents puissent accueillir leurs enfants dans de bonnes condition et endosser pleinement, et de manière égale, leur rôle de parents. C’est aussi une opportunité pour sortir des stéréotypes et favoriser l’égalité de genre.   C’est bien parce qu’ils étaient convaincus de cette nécessité que les partis de l’Alternative et les syndicats ont élaboré un projet de loi, le PL 12595 qui a été déposé en octobre 2019. Ce dernier propose un congé parental de 36 semaines, à savoir 18 semaines pour chaque parent. Ce faisant, cela revient à augmenter de 2 semaines le congé maternité Genevois et de 16 semaines le congé paternité fédéral voté en septembre 2020.

Ce projet de loi étudié en commission des affaires sociales a été gelé à plusieurs reprises, notamment en raison du coût probable de sa mise en application, d’un risque de non-conformité au droit fédéral et dans l’attente de l’IN des Verts libéraux à laquelle nous sommes confronté.es aujourd’hui. Il en va de même pour un autre projet de loi demandant une couverture à 100% du congé maternité.

Il est troublant de constater que le Conseil d’Etat, en dépit des réserves que lui-même partageait à l’époque à l’égard du PL 12595, n’ait pas hésité à déclarer son soutien à l’IN 184.  On aurait pu attendre d’un conseil d’Etat à majorité « alternative » qu’il se montre plus circonspect en la matière. Il eut mieux valu qu’il défende la perspective d’un contre-projet plus favorable aux parents et à leurs enfants.

Un soutien d’autant plus étonnant que cette IN qui entend modifier l’art 205 de la Constitution genevoise présente des défauts et des carences majeures. Tout d’abord, cette disposition prévue à l’alinéa 3 de la nouvelle teneur de l’article 205. A savoir : « sur demande commune des deux bénéficiaires de l’assurance, l’Etat garantit la possibilité pour l’un des bénéficiaires de reporter deux semaines de l’assurance en faveur de l’autre bénéficiaire ». Ce texte est peu clair et l’exposé des motifs est contradictoire avec le texte de l’IN. On peut y voir la possibilité pour le parent soumis au congé maternité de céder deux semaine de celui-ci à l’autre parent.

Cela n’est pas concevable. On ne peut prétendre améliorer la situation du congé paternité en réduisant la durée du congé maternité et en remettant en cause cet acquis, cette appréciable particularité genevoise. Une Genferei à laquelle nous tenons résolument.  L’autre défaut de ce projet de loi est issu du caractère non contraignant de l’adhésion de l’employeur à ce dispositif. Ce qui génèrerait une inégalité de traitement parmi les salarié·e·s. Par ailleurs, le fait que la situation des indépendant·e·s ne soit pas comprise dans ce modèle est réducteur et excluant. Nous ne pouvons y souscrire tout autant qu’aux autres carences précitées. Quant au mode de financement paritaire employeur/employé proposé, il remet en question le financement actuel de la loi sur les allocations de maternité de (LAMat) sans alternative fiable.

Nous estimons que 6 semaines de congé paternité en plus ne suffisent pas pour remplir les objectifs que devrait atteindre ce dernier :  à tout le moins servir les intérêts de l’enfant et favoriser l’égalité de genre. Nous lui préférons le PL 12 595, un projet soutenu par tous les partis de l’Alternative qui propose une véritable avancée en matière de droits des parents et des enfants, quel que soit les statuts des un·e·s et des autres.

L’IN 184 a été, comme le prévoit la procédure, renvoyée en commission ; celle des affaires sociales qui avaient préalablement traité les projets de loi 12595 et 12467. Notre groupe y refusera l’IN 184 et défendra l’idée d’un contreprojet s’inscrivant dans l’esprit de ces deux derniers projets de loi dont nous exigerons la réactivation.

Jocelyn Haller