Le Grand Conseil a nettement refusé le programme 2018-2023 du gouvernement, il a décidé de lui renvoyer la copie par 67 OUI, contre seulement 14 NON et 11 abstentions. Trois ans après le début de la législature, le débat a été l’occasion de faire un bilan peu glorieux d’un exécutif incapable de répondre aux besoins de la population et de prendre la mesure de la situation.

Dans le programme, le Conseil d’Etat n’aborde pas une seule fois la question des inégalités sociales ! Un aveu silencieux de sa volonté de ne rien faire sur ce front, alors que Genève est le canton le plus inégalitaire de Suisse et que près de la moitié (46.75% selon les chiffres de 2015) de la richesse est détenue par les fortunes de plus de 10 millions ! De fait, le gouvernement a fait preuve d’un immobilisme invraisemblable face à la crise sociale qui s’étend. Il n’a tout simplement pas bougé le petit doigt en faveur de celles et ceux qui ont perdu leurs revenus sous l’effet de la crise, depuis près d’un an.

En revanche, on peut lire dans le document que le gouvernement souhaite œuvrer pour la défense du « respect de la législation, des usages, des conventions collectives de travail et des contrats-type de travail dépendent du partenariat social » et d’affirmer que dans ce domaine « l’Etat joue un rôle de garant, mais aussi de moteur et de contrôle ». Les salarié-e-s de la vente, mais aussi celles et ceux de Swissport – pour ne prendre que ces deux exemples – sont bien placé-e-s pour savoir que le Conseil d’Etat n’a jamais tenté de tenir cet engagement.

 En fait, la majorité des promesses du Conseil d’Etat qui figurent dans le programme de législature n’ont pas été tenues ou ont échouées, à l’exemple du passage en primauté de cotisations de la CPEG, refusé par la population en votation populaire. En revanche, le gouvernement est parvenu à mettre en œuvre la RFFA et il ne cache pas, dès les premières pages, que ce cadeau fiscal gigantesque pour les grandes entreprises est sa priorité. Celle-ci est justifiée par le « choix fiscaux opérés […] par d’autres pays, comme les Etats-Unis ». Pourtant, 3 ans plus tard, la dynamique s’est inversée : les Etats-Unis – comme d’autres pays – réclament un taux plancher d’imposition des entreprises à l’échelle internationale de 15%, supérieur donc au taux d’imposition genevois (13.99%). Genève et la Suisse risquent de payer leur politique de dumping fiscal par un isolement croissant qui pourrait coûter cher. Au contraire, le relèvement de l’imposition des bénéfices permettrait de dégager des ressources considérables pour mener un politique sociale et environnementale ambitieuse.

Le vote du Grand Conseil survient quelques mois après le premier tour de l’élection complémentaire au Conseil d’Etat lors de laquelle les partis gouvernementaux n’avaient recueilli qu’une minorité des suffrages, malgré une mobilisation historique des votant-e-s. Depuis, le gouvernement n’a guère changé de cap et demeure aveugle à l’aggravation de la situation sociale dans le canton.

Jean Burgermeister