À la demande du député EAG Pierre Vanek, le PL 12945 instituant dans la constitution genevoise un nouveau droit à l’«intégrité numérique » avait été renvoyé en commission par une large majorité de la plénière du Grand Conseil pour un traitement plus approfondi et sérieux. En effet le parlement avait entrepris de traiter cette question en urgence et une demi-heure après un examen trop sommaire de la proposition en commission. De retour en plénière le projet a été voté mais n’est pas pleinement satisfaisant.

Ce renvoi en commission a cependant permis d’améliorer le projet de loi au cours de plusieurs séances, notamment par un amendement nouveau proposé par le député PS Cyril Mizrahi qui inscrit un nouvel alinéa dans l’article constitutionnel projeté qui indique que :

Le traitement des données personnelles dont la responsabilité incombe à l’Etat ne peut s’effectuer à l’étranger que dans la mesure où un niveau de protection adéquat est assuré.

Cette disposition est naturellement bienvenue, mais EAG défendait surtout une concrétisation et une clarification de ce que signifie réellement l’intégrité numérique, notamment au plan de ce qu’on appelle l’«autodétermination informationnelle».

Le professeur Mahon et sa collègue Guillaume dans un article intéressant[1] l’expliquent ainsi:

… toute personne possède un « droit à l’autodétermination en matière informationnelle » (informationnelle Selbstbestimmung), droit qui confère à l’individu une forme de maîtrise sur ses propres données personnelles : ou, pour reprendre une autre formulation du Tribunal fédéral, un droit qui permet à toute personne de pouvoir toute personne de pouvoir déterminer elle-même, à l’égard de tout traitement de données qui la concerne (données personnelles) de la part de tiers, qu’ils soient publics ou privés, et en principe indépendamment de la question de savoir si les données en question sont effectivement sensibles, si et dans quels buts de telles données sont traitées.

Vers la maîtrise des données personnelles… ou non?

Or si l’article proposé défendu par la rapporteuse de majorité PLR Céline Zuber proscrit le traitement abusif des données de chacun·e il ne va pas assez loin en la matière… EAG, au contraire, a proposé un amendement qui levait tout doute sur la question.

Dans sa forme finale – qui a été refusé en commission législative d’une voix seulement et reproposé en plénière par Pierre Vanek au nom d’EAG– cet amendement disait simplement ceci :

«Toute personne a droit à l’information et au contrôle effectif sur ses données personnelles numériques ».

Mais pourquoi diable, le PLR et les partis qui lui emboîtent le pas, du PDC au MCG, ont-ils refusé cette disposition simple et claire ? On est bien forcé de conclure en les prenant aux mots (ceux qu’ils ont refusés) qu’ils sont en réalité opposés à ce que chacune et chacun :

  1. Puisse exiger d’être informé·e sur les données qui le concernent détenues par autrui, par l’État évidemment, mais pas seulement.
  2. Puisse exercer un contrôle effectif sur lesdites données numériques le concernant…

Comme l’a expliqué le rapporteur de minorité EAG Pierre Vanek, cette disposition était nécessaire pour concrétiser les droits figurant par ailleurs dans l’article : comment en effet se battre contre le traitement abusif de ses données si on n’est pas informé à leur sujet… Comment exercer le droit à l’oubli en la matière si on n’a aucun contrôle effectif sur ses données ?

Pour des raisons obscures, au pied du mur, les député·e·s de droite ont démontré encore une fois les sérieuses limites de leur attachement aux droits individuels, qu’ils vantent pourtant tant in abstracto. Ainsi, avec cette réforme sur laquelle les électeurs·trices auront à se prononcer d’ici quelques mois, on ne fera – en fait – qu’un demi pas en avant… plutôt qu’un pas en avant complet et déterminé. On votera OUI bien sûr, mais sans grand enthousiasme…

A contrario, il faut relever que toutes et tous les député·e·s de la gauche et des Verts ont voté à l’unisson l’amendement ci-dessus proposé par EAG et défendu par le soussigné.

Pierre VANEK


[1] https://www.lextechinstitute.ch/wp-content/uploads/2020/12/03_Integrite-numerique_Mahon.pdf