Lors de cette session, le Conseil d’État est revenu avec une prolongation au 15 mai de son arrêté urgent pris en vertu des pouvoirs extraordinaires découlant de l’application de l’art. 113 de la Constitution genevoise et suspendant pour un temps les évacuations forcées de locataires. La mesure était en vigueur jusqu’en avril seulement ce qui est absurde. Lors de la précédente séance du Grand Conseil, le député EàG Rémy Pagani avait déposé un amendement demandant de prolonger cette échéance jusqu’à la fin de l’année, ceci contre l’avis de la droite qui poussait des hauts cris sur les droits des propriétaires douloureusement mis à mal selon eux. Lors de cette session Pagani a récidivé…

EàG est revenu cette fois-ci encore avec le même amendement, arguant du fait que le Conseil d’État lui-même avait compris qu’il fallait prolonger la mesure, mais que le 15 mai était une échéance bien trop proche pour une mesure qui s’impose naturellement aussi longtemps que la crise sanitaire n’est pas terminée.

Comment en effet des familles jetées à la rue de force par la police pourraient-elles respecter sans problème des mesures d’isolement ou de quarantaine ou plus généralement faire face au mieux à la pandémie dans des situations de COVID long par exemple, comment en outre s’occuper correctement de ses enfants sans logement à soi, dans une situation où les écoles sont à la merci de fermetures inopinées comme c’est le cas ce lundi aux Avanchets ?

Notre député Rémy Pagani a donc plaidé, avec la dernière énergie, pour que la garantie d’un toit dans ces circonstances prime sur le droit sacro-saint de propriétaires à encaisser des loyers, trop souvent surfaits à Genève au demeurant.

La droite par la voix d’une députée PLR a plaidé au contraire pour le droit unilatéral des propriétaires à voir exécuter des décisions d’évacuation, manu militari si besoin était, en refusant même le nouveau délai au 15 mai fixé par le gouvernement cantonal.

Une majorité pour arrêter d’évacuer…
Dans un premier temps, un éclair de lucidité – voire d’humanité – a semblé prévaloir sur les bancs du parlement, puisqu’au vote l’amendement de Rémy Pagani pour EàG approuvant l’arrêté, mais demandant au Conseil d’État d’en étendre la durée, a été accepté à une nette majorité de 48 OUI contre 43 NON et une abstention. Un résultat aidé sans doute par le fait que ce vote a été nominal, suite à une demande de la gauche, et que chacun·e pouvait donc craindre de se voir confronter publiquement par la suite à sa prise de position sur ce sujet sensible.

Mais la pièce n’était pas terminée: en effet, logiquement la majorité ayant approuvé l’amendement d’EàG aurait dû voter OUI à l’arrêté ainsi amendé. Mais – sans appel nominal cette fois et suite aux hauts cris de la rapporteuse PLR annonçant qu’on allait voter une résolution-Pagani – la majorité …a basculé, notamment par changement d’avis subit d’une demi-douzaine au moins de député·e·s MCG!

Un match nul que le gouvernement arbitrera
Match nul parlementaire donc, l’arrêté fixant la fin de la suspension des évacuations au 15 mai n’a pas été approuvé, ni d’ailleurs refusé par le parlement, pas plus que ne l’a été in fine notre texte demandant de surseoir aux évacuations jusqu’à fin 2021.

Ainsi, en l’absence d’avis autorisé du Grand Conseil sur la question, le Conseil d’État a les mains libres pour faire ce qu’il veut. Si on avait un Conseil d’État de (ou à) gauche, nul ne doute qu’il prolongerait la suspension des évacuations forcées jusqu’à la fin de l’année comme l’a demandé EàG, appuyé par le PS et les Verts… et d’autres. Mais il faudra voir à l’usage. Affaire à suivre donc, rendez-vous après le 15 mai pour connaître la réponse !

Pierre Vanek