Enfermer des enfants et détenir arbitrairement des adultes tel est le slogan de campagne de Mauro Poggia

La nécessité de construire un centre de police proche de l’aéroport n’a pas été l’objet de débat au Grand Conseil durant cette session, les locaux actuels étant dispersés et surtout mal adaptés. Pourtant deux questions d’importances y ont été traitées à savoir ; si des cellules d’enfermement supplémentaires sont nécessaires au refoulement de personnes dépourvues d’une autorisation de séjour en Suisse et la seconde du droit que s’arroge à tort le Conseiller d’État, M. Mauro Poggia d’enfermer des enfants.

La nécessité de cellules d’enfermement pour renvoyer des êtres humains

Cinquante cellules destinées au renvoi de personnes dépourvues de titre de séjour étaient l’objectif déclaré dans le projet de loi soumis à la commission des travaux. Après de longues auditions, une majorité a convenu que cet objectif était trop important au regard de la pratique de ces dernières années qui ne voient arriver dans les cellules actuelles situées à l’aéroport qu’une ou deux personnes par semaine. De plus il a été constaté que le taux d’occupation des cellules d’arrêt administratif actuellement à Favra ou à Frambois sont à moitié vides. Là encore les statistiques le montrent et heureusement le taux d’occupation ne correspond pas aux projections qui ont été établies en son temps sous la responsabilité de Pierre Maudet.

Ainsi la majorité de droite (MCG, UDC, PLR, PdC) de la commission a considéré au regard de ces faits que les 24 places dans 11 cellules « Night stop » étaient une bonne mesure.

Ainsi donc selon l’amendement proposé par le département et la majorité de la commission, ces 11 cellules d’enfermement seront destinées à détenir vingt-six personnes en partance pour leur pays d’origine soit le jour avant leur montée dans l’avion soit quelques jours préalablement à cette mesure de contrainte.

Doit-on rappeler par exemple qu’en 2010, la Suisse a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit à la liberté d’un migrant originaire de Bosnie placé en détention administrative. La Cour a rappelé que « la privation de liberté est une mesure si grave qu’elle ne se justifie qu’en dernier recours, lorsque d’autres mesures, moins sévères, ont été étudiées et jugées insuffisantes pour sauvegarder l’intérêt personnel ou public exigeant la détention « . Ce qui n’est manifestement pas le cas dans les cas d’espèce comme le constatent régulièrement les tribunaux lorsqu’ils sont saisis.

L’enfermement des enfants est interdit en suisse

Chaque année, une vingtaine d’enfants sont enfermés dans les prisons suisses. Leur demande d’asile a été rejetée et les autorités les placent en détention avant leur expulsion. Pourtant en Suisse, la détention des mineurs âgés de moins de 15 ans est explicitement interdite par le droit fédéral, selon l’article 80 alinéa 4 de la loi sur les étrangers et l’intégration.

De plus une initiative votée à une large majorité par le Grand Conseil et déposée par le canton de Genève en novembre 2018, intitulée « La détention administrative d’enfants doit cesser ! », demandait que l’interdiction soit étendue aux mineurs de 15 à 18 ans. Cette initiative a été refusée à une voix seulement par les chambres fédérales.

Cette initiative du parlement cantonal s’appuyait sur la convention relative aux droits de l’enfant, dont la Suisse est signataire et qu’elle a ratifiée et qui stipule que : « Tout être humain âgé de moins de 18 ans doit être considéré comme un enfant. » Selon cette convention il n’y a pas de catégories d’enfants. Il y a des enfants qui sont protégés selon la convention jusqu’à l’âge de 18 ans. Les enfants étant particulièrement vulnérables, ils ont droit aussi à une protection particulière, adaptée, et qui respecte leur intérêt supérieur. Peu importe, dans le fond, quelle est leur origine, quel est leur parcours migratoire, quel est leur statut.

Enfin les prises de position d’organismes de défenses des droits humains sont sans appel concernant l’enfermement des enfants.

Un abus de pouvoir honteux

Finalement, la détention administrative des mineurs de moins de 15 ans est interdite par la loi fédérale (la LEI) et la détention administrative de tous les mineurs (moins de 18 ans) est interdite par la loi genevoise (la LALEtr).

A la question de savoir quelle utilisation serait faite de la cellule familiale, le Conseiller d’État Mauro Poggia a répondu qu’on peut laisser le choix aux parents de placer leurs enfants en foyer ou de les détenir avec eux. Dans ce cas l’usage d’une cellule familiale apparaît comme une grâce généreusement accordée aux familles.

Il s’agit là de proposer délibérément aux familles un non-choix vu la situation hautement stressante de la nuit avant le renvoi. Il convient de souligner que selon la LaLetr, familles et enfants peuvent exclusivement être assignés à résidence, à l’exclusion de toute détention (art. 6 al. 4). Quand les parents sont mis en détention, les enfants restent libres de leurs mouvements (art. 6 al. 5). Il est terrorisant et traumatisant pour un enfant d’être enfermé dans de telles conditions. L’accord éventuel des parents avec cette façon de procéder n’y change rien et est indigne de notre république.

La détention de mineurs reste interdite même si les parents donnent leur accord

Même avec l’accord des parents, une détention administrative d’enfants de moins de quinze ans pour les enfants provenant d’autres cantons et de 18 ans pour le canton de Genève est contraire à la loi. Les parents ne sont pas autorisés à accepter une privation de liberté de leurs enfants. La pratique soutenue par monsieur Mauro Poggia ne tiendra pas devant un juge. La construction de cellules destinées aux familles est donc inutile et immorale dès lors que l’enfermement des enfants est non seulement contraire à l’éthique, mais également à la loi.

Dès lors qu’on a établi clairement le cadre juridique, qui fixe l’interdiction d’enfermer sur le territoire genevois des enfants en détention administrative, la prise de position du Conseiller d’État M. Mauro Poggia devient totalement abusive.

Rémy Pagani