Le Grand Conseil a débattu chaudement du PL 12489 proposant l’introduction du droit de vote à l’échelle cantonale dès 16 ans qu’EAG a défendu vigoureusement. Une majorité rétrograde refusant cette avancée démocratique avait comme porte-parole la députée PLR, Joëlle Fiss. L’essentiel de son argumentaire, comme celui de tous les député·e·s de droite ayant refusé la réforme, et refusé de donner la parole au peuple en la matière contrairement aux parlements de ZH et de BE, a porté d’abord sur le prétendu « problème » insurmontable de la dissociation des âges « seuils » légaux divers majorité civique, civile, etc.

Tout le monde – à droite – a exigé un âge seuil unique… « Tout va ensemble » s’est exclamée une députée PDC… Il y aurait problème à avoir des âges seuils différents dans différents domaines: mais pourquoi ? Personne n’a avancé le moindre argument sur le fond. Au contraire, des domaines différents peuvent très bien être régis par des seuils et des limites différentes fixées dans nos lois a affirmé le rapporteur d’EAG. Dont on trouve le rapport ICI.

Pas de droits pour les pauvres ?

Pire encore, dans un élan réactionnaire, particulièrement choquant, la rapporteuse de majorité PLR a soulevé l’argument que des personnes « ne payant pas d’impôts » ne devraient, soi-disant selon elle, ne pas avoir de droits politiques…

Pierre Vanek député d’EAG – qui défendait le rapport de première minorité et l’introduction du droit de vote à 16 ans, a eu beau jeu de stigmatiser cette position qui, si on l’appliquait de manière conséquente, priverait de droits civiques plus d’un tiers des habitant·e·s du canton.

Ceci au motif qu’ils et elles sont trop pauvres pour payer d’impôts sur le revenu: l’exclusion des pauvres des droits politiques et la réintroduction d’un vote ouvertement censitaire, comme on le connaissait à Genève avant la révolution radicale de 1846, voilà à quoi tendait la position du PLR, moutonnièrement suivie par tous les partis de la droite de l’hémicycle PDC, UDC et MCG…

Les chômeurs·euses bientôt interdits de vote ?

L’ineffable Murat Alder du PLR a expliqué notamment, en renfort, que les jeunes en-dessous de 18 ans étaient en formation, n’avaient pas d’emplois et ne méritaient donc pas de droits politiques… Encore une fois, cette position – logiquement extrapolée était effrayante – elle tend à la suppression des droits citoyens de tous le jeunes en formation, des chômeurs·euses et chercheurs·euses d’emploi, au motif qu’ils·elles n’ont pas de travail salarié.

Enfin la députée PLR, comme d’autres à droite, ont pris prétexte de l’adoption d’une proposition d’introduire le vote à 16 ans qui a passé la rampe au National ce printemps sur proposition d’une élue du groupe de gauche Basta de Bâle… pour dire qu’il était, en conséquence, urgent d’attendre.

On n’a pasattendu que les droits politiques des femmes viennent de BE ?

Pierre Vanek a eu beau jeu de faire remarquer que Genève s’enorgueillit d’être parmi les trois premiers cantons a avoir introduit le suffrage des femmes au début des années 1960… Si on avait « attendu » pour voir ce qui se passait au plan fédéral… on aurait attendu 1971 pour permettre aux femmes de voter, d’élire et d’être élues au Grand Conseil.

A contrario, le porte-parole d’EAG a rappelé que son parti avait systématiquement soutenu l’extension des droits démocratiques, par la réduction du nombre de signatures pour les référendums et les initiatives, par la levée des privations de droits civiques pour certaines catégories de personnes handicapées, par la défense intransigeante de l’extension des droits politiques aux étrangers·étrangères  résident·e·s., etc.

En 1782, le peuple de Genève se battait déjà pour l’extension du suffrage

Il a rappelé que la défense d’avancées vers le suffrage universel était inscrite dans l’histoire genevoise, comme par exemple lors de la révolution de 1782 lors de laquel les natifs – sans droits politiques – ont conquis des droits, que la clique de patriciens argentés au pouvoir s’étaient exclusivement appropriés… Ces derniers, traîtres à notre République, n’ont pas hésité alors à appeler les troupes étrangères, à faire entrer dans nos murs les soldats de Louis XVI, du Royaume de Sardaigne et de la Berne patricienne, pour casser les reins au peuple de Genève et le priver de droits.

Il a inscrit la réforme en débat dans cette histoire et appelé à étendre le suffrage universel à tous les jeunes dès 16 ans, affirmant sans être contredit, que – par exemple – sur la politique du PLR consistant à baisser les impôts de 5% de plus, ce qui se solderait par un cadeau fiscal majeur aux plus riches… les jeunes étaient évidemment à cet âge parfaitement équipés intellectuellement et moralement pour juger de la question, parfaitement concerné·e·s aussi puisque cet argent sert (ou non) à financer des politiques publiques qui les concernant dans tous les domaines, de la formation, à la santé, à l’emploi, aux transports…

Le peuple – à 16 ans – on en est !

Il a enfin rappelé la formule du serment des député·e·s qui parle du «peuple qui [leur] a confié ses destinées » en affirmant que l’exclusion des jeunes des processus électoraux… signifiait qu’on considérait que les jeunes de 16 ans ne faisaient pas partie du « peuple ». Or pour lui, a-t-il affirmé sous les applaudissements de la gauche, à 16 ans on fait bien partie du peuple de Genève !

Le Vert Yves de Matteis, comme le député PS Romain de Sainte-Marie ont plaidé dans le même sens en défendant chacun leur rapport de minorité… Mais ce point s’est conclu par un rejet navrant d’une avancée démocratique pourtant relativement modeste, rejet qui peut servir s’il en était besoin, de révélateur supplémentaire quant à la nécessité de renverser la majorité de droite suivant le PLR qui hégémonise trop souvent notre parlement sur des positions de plus en plus radicalement réactionnaires.

Pierre VANEK