Comme vous le savez déjà, la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine par son invasion du 24 février dernier. Les civil-e-s ukrainien-ne-s sont désormais sur le chemin de l’exil et la Suisse a pris part à leur accueil. Dans un entretien sur le plateau de Léman Bleu en date du 14 mars dernier, Christophe Girod, directeur général de l’Hospice général, indiquait que selon les prévisions 4000 à 15 000 réfugié-e-s ukrainien-ne-s étaient attendu-e-s à Genève. Il a également souligné que ces chiffres étaient historiques et que Genève, « ville d’accueil depuis toujours », a la capacité d’offrir un accueil temporaire au premier millier d’arrivées. Cependant, la situation risque de se compliquer au-delà de ce premier millier. M. Girod a également expliqué que des alternatives étaient à l’étude. La solidarité dont font preuve nos autorités et notre population sont sans précédent. Cependant, toute cette mobilisation soulève des problèmes inattendus :


Nous avons appris, hier, que des réfugiés kurdes de Syrie et d’Irak, présents à Genève depuis plus de cinq ans, logés dans l’un des foyers de l’Hospice général depuis près de trois ans, sont contraints de libérer leur chambre avec effet immédiat au profit de familles ukrainiennes, se retrouvant ainsi à plusieurs par chambre, prévue initialement pour une seule personne. Ces réfugiés, obligés de cohabiter dans ces conditions précaires, s’inquiètent. Certains sont aux études, d’autres travaillent, leurs horaires ne sont par conséquent pas compatibles, leur laissant craindre d’importantes difficultés quotidiennes à venir.


Nous avons également appris qu’un Iranien, logé depuis peu en appartement, est contraint de laisser la place à une famille ukrainienne et de retourner en foyer d’accueil alors que sa nouvelle situation le réjouissait et lui permettait enfin de voir une nette amélioration dans son sentiment d’intégration.


Ces exemples ne sont qu’un échantillon des informations qui nous parviennent actuellement.


En l’espace de très peu de jours, nous constatons un déséquilibre extrêmement marqué entre les traitements administrés aux différentes « catégories de réfugié-e-s », à savoir les Ukrainien-ne-s nouvellement arrivé-e-s et les autres nationalités de personnes réfugiées (cf. exilé-e-s de 2014-2015) déjà sur place.


Pour cette seconde « catégorie », il s’agit d’un retour en arrière, apportant un sentiment de régression dans leurs vies en Suisse, et nous ne pouvons que souligner le caractère très discriminant de ces mesures.


Si Genève est une « ville d’accueil depuis toujours », comment est-ce possible qu’elle agisse de manière aussi clivante ? Tous les réfugié-e-s, fuyant des pays en conflit, ne méritent-ils/elles pas le même traitement ? Des personnes ayant vécu dans des abris de protection civile durant de longues années doivent-elles se retrouver à nouveau reléguées dans des dortoirs au profit de « nouveaux-elles arrivant-e-s européen-ne-s » ?


Mesdames les conseillères d’Etat et Messieurs les conseillers d’Etat, nous attendons des réponses aux questions suivantes :


1. Est-il prévu de continuer cette politique de substitution au sein des foyers et logements individuels ?


2. Qui est responsable de cette décision et quels en sont les réels motifs ?


3. A-t-on prévu de rouvrir les abris de protection civile ? Cas échéant, à quel-le-s réfugié-e-s (quel statut, quelles origines) ces abris PC – que le Conseil d’Etat a par le passé déjà reconnus comme n’étant pas adaptés à l’accueil – seraient-ils réservés ?


4. Si le nombre de places d’accueil à Genève s’avère insuffisant, conduisant à des difficultés comme la surpopulation en foyer ou
l’ouverture d’abris PC, la réquisition d’immeubles vides ne s’impose-t-elle pas ?


5. A-t-on prévu d’exécuter des renvois afin de faire place nette aux nouvelles arrivées, continuant ainsi cette escalade d’inhumanité ?


6. Enfin, est-ce à dire qu’il existerait, à Genève, des « réfugié-e-s de première classe »

Françoise Nyffeler