Les deux volets d’AVS21 ont passé la rampe au plan fédéral à une courte majorité. Nous sommes face à une régression sociale majeure sur le dos des femmes et des bas salaires.
Dans ce contexte, il est urgent que se forge une large union populaire pour le renforcement massif de l’AVS, grâce à l’intégration du 2ème pilier avec maintien des avantages acquis. Ceci permettrait de soustraire nos retraites au casino de la bourse et d’assurer des rentes minimum de 4000 CHF par mois, de 75% du dernier salaire, plafonné à 8000 CHF, pour toutes et tous. Notre conseillère nationale, Stefanie Prezioso, a déposé une initiative parlementaire dans ce sens ; un bref aperçu.
Le premier pilier, l’AVS, fondé sur la répartition, soit la solidarité entre générations, entre hommes et femmes et entre les différents niveaux de revenus, représente la principale conquête sociale de ce pays. Il est essentiellement financé par les cotisations des assuré-e-s, au prorata de leurs revenus, et, lorsqu’elles sont salarié-e-s, par les cotisations paritaires de leurs employeurs. La rente maximale ne peut excéder le double de la rente minimale, ce qui représente un mécanisme important de redistribution sociale. Depuis sa 8e révision, en 1975, il y a près de 50 ans, en dépit du vieillissement accéléré de la population, le taux des cotisations sur les salaires n’a pratiquement pas changé, passant de 4,2 % à 4,35 % pour les deux parties.
Le second pilier, la prévoyance professionnelle, cumulée à l’AVS, devrait, la constitution, « maintenir de manière appropriée » le niveau de vie antérieur (art. 113, alinéa 2, lettre a). Pour les salarié-e-s, elle fait aussi l’objet d’une cotisation de l’employeur. Comme le premier pilier, elle constitue une part du salaire indirect, mais contrairement à lui, elle est capitalisée individuellement par les assuré-e-s dans le cadre d’un système assurantiel réglé par le droit fédéral. A l’âge de la retraite, elle touche une rente qui se calcule en multipliant le capital et les intérêts que chacun-e a accumulés (l’avoir-vieillesse) par un taux de conversion donné. Ce système dit « par capitalisation » est évidemment tributaire des rendements à long terme sur les marchés qui ne cessent d’être révises à la baisse, provoquant une érosion continue des rentes servies aux nouveaux-elles retraité-e-s depuis le début des années 2000. Par ailleurs, il n’a aucun caractère solidaire-redistributif, si bien qu’il maintient les inégalités sociales et discrimine fortement les femmes. Ainsi, alors que l’écart des rentes AVS touchées par les femmes et les hommes est actuellement de 2,7 %, il est de 63 % pour le deuxième pilier ! C’est pourquoi, notre système propose l’intégration du deuxième pilier à l ‘AVS et la suppression des cadeaux fiscaux accordés à la prévoyance individuelle (3e pilier), qui favorisent une petite couche de privilégié-e-s aux dépens des recettes publiques. L’intégration de la prévoyance professionnelle à l’AVS vise a fonder un système de retraite unifié, une AVS+++ reposant principalement sur la répartition (les actifs-ves cotisent directement pour les retraité.e.s sans passer par la capitalisation), et sur la redistribution (la rente maximale est plafonnée à deux fois le niveau de la rente minimale, alors que les cotisations sont proportionnelles aux revenus). Elle permet ainsi de découpler notre système de retraites de la dynamique des marchés financiers et de proposer ainsi un système plus solidaire, plus sûr et plus respectueux des exigences environnementales.
Dans l’hypothèse de la modification constitutionnelle que nous proposons, le taux de cotisation moyen de la prévoyance professionnelle s ‘additionnerait à celui de l’AVS actuelle et concernerait tous les revenus (y compris ceux de la fortune) durant toute la durée de la vie active. De telles recettes couvriraient l’essentiel des dépenses de notre AVS+++. La fortune totale du 2e pilier, soit plus de 1000 milliards de francs, serait intégrée au fonds de compensation de l’AVS actuelle, constituant ainsi une sorte de fonds souverain, affecté au développement d’infrastructures à vocation sociale et environnementale dont le rendement participerait de façon subsidiaire au financement du système. Enfin, les subventions publiques fédérales et cantonales seraient maintenues à leur niveau actuel par personne retraitée (coût des prestations complémentaires compris).
Bien entendu, le taux de cotisation de notre AVS+++ pourrait être relevé en cas de nécessité, comme celui de l’AVS actuelle. Les cotisations sociales étant en Suisse parmi les plus basses des pays de l’OCDE, nous disposons de certaines marges en la matière.
D’après nos simulations, une telle AVS+++ permettrait de garantir une retraite équivalant à 75 % du dernier salaire, moyennant un plancher de 4000 francs et un plafond de 8000 francs. Financée grosso modo aux 3/4 par la répartition des cotisations perçues, pour 1/8e par les intérêts de son fonds de réserve et pour 1/8e par les subventions publiques, elle présenterait les avantages suivants
I. La sécurité, puisqu’elle serait dissociée des fluctuations des marchés financiers et de leur tendance à la baisse sur le long terme. Les 7/8e de son financement serait ainsi garanti par les cotisations des actifs-ves et les subventions publiques, directement versées aux retraité.e.s. Le 75 du dernier salaire serait garanti, avec un minimum fixé à 4000 francs.
2. La solidarité entre niveaux de revenus et entre hommes et femmes, puisque les recettes totales de cette AVS+++ seraient réparties parmi ses ayants droit en tenant compte du dernier salaire perçu, mais aussi d’un plancher de 4000 francs et d’un plafond a 8000 francs, réduisant l’écart des revenus à un rapport de I a 2.
3. La défense de l’environnement, puisque cette AVS+++ renoncerait a corréler le niveau de nos retraites aux taux de croissance des marchés financiers, dont la baisse est indispensable aux impératifs de l’urgence climatique et de la défense de la biodiversité. La mise en place d’un fonds souverain cumulant les fortunes de l’AVS actuelle et du deuxième pilier permettrait aussi d’engager un vaste programme de soutien aux infrastructures sociales et environnementales dont la société a un urgent besoin.