La crise sanitaire du COVID-19 a conduit a de très nombreuses décisions politiques cantonales genevoises, une partie de celles-ci ont été prises par arrêtés successifs en rafale, au nom des pouvoirs d’exception conférés au gouvernement en cas de «situation extraordinaire» par l’art. 113 de la constitution cantonale.

Ces arrêtés ont été soumis au parlement, pour approbation (ou non) après examen par la commission législative… Il faut relever que cet examen et cette approbation (ou non) étaient essentiellement platoniques… en effet, de toute façon, même en cas de désaveu du parlement les arrêtés du Conseil d’État restaient en vigueur pour une année, à moins d’être retirés par le gouvernement.

Aujourd’hui le temps du bilan politique général indispensable est arrivé. Une motion demandant un rapport dans ce sens a été proposée et défendue, par EAG notamment, lors de la session d’avril du parlement.

Outre les arrêtés spéciaux, d’autres mesures, notamment et surtout de soutien aux entreprises ont été votées sous formes de lois, le plus souvent munies de clauses d’urgence votées par les 2/3 du Grand Conseil. A ce sujet EAG a régulièrement martelé au parlement, par la voix de notre chef de groupe Jean Burgermeister, que les efforts étaient massivement et unlatéralement axés sur un soutien aux entreprises et à leurs patrons et que les salarié·e·s et les plus précaires étaient largement laissés pour compte.

Pour une solidarité renforcée avec les victimes de la crise

EÀG a systématiquement proposé des amendements pour conditionner les soutiens aux entreprises à une période de blocage des licenciements, à défaut d’acceptation de ces conditions, nous avons refusé l’essentiel de ces soutiens aux entreprises et les clauses d’urgence dont elles étaient assorties.

EÀG a également fait durant cette période nombre de propositions, mettant l’accent sur la solidarité, notamment la proposition d’une Contribution de solidarité des grandes fortunes à un fonds en faveur de l’aide sociale aux victimes du COVID-19 [ https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12686.pdf ] qui a fini par être lancée sous forme d’une initiative populaire cantonale qui a ensuite rallié le soutien de toute la gauche et des Vert·e·s, comme aussi de l’ensemble des syndicats genevois, regroupés au sein de la Communauté Genevoise d’Action Syndicale (CGAS).

Un débat politique incontournable avant fin 2022

Mais, quoi qu’il en soit, nous n’avons pas eu pendant ces « années COVID » de débat politique sérieux et général sur les mesures d’urgence successives, qui ont rythmé les réactions de l’État cantonal face à cette crise.

Dès le début de la crise en question, nous avons appelé de nos vœux un examen autocritique des politiques publiques mises en œuvre, de leurs faiblesses, des erreurs commises… et bien sûr aussi de certains aspects positifs, avec – à la clé – un débat démocratique sérieux et contradictoire visant à tirer les leçons qui s’imposent en la matière. De faire émerger aussi des propositions pour pallier aux carences dans la solidarité qui s’imposait…

Le temps est évidemment venu d’aller sans retard dans ce sens. C’est pourquoi nous avons proposé et soutenu une motion toute simple, et d’apparence assez anodyne, demandant au gouvernement cantonal de produire un rapport complet portant « sur la gestion de la crise par le Conseil d’État et les leçons à en tirer». Ladite crise étant évidemment à considérer «dans ses aspects sanitaires, économiques et sociaux» face aux conséquences du COVID «dans tous les domaines de la vie économique et sociale de notre collectivité

On peut souligner à ce sujet trois éléments…

Nous avons refusé une réduction du champ du rapport demandé au seul domaine, initialement prévu en commission, de la politique sanitaire uniquement, pour proposer et obtenir un large accord sur le fait qu’on demande un rapport le plus large possible allant des domaines institutionnels et démocratiques, aux questions sociales… à la formation, en passant évidemment par la politique économique et fiscale, etc. Aucun domaine impacté par la crise et ayant fait l’objet de mesures publiques ou de carences de celle-ci ne doit rester dans l’ombre.

Nous avons également refusé une proposition, formalisée tout à droitepar l’UDC via un amendement, et que soutenait par ailleurs le Conseiller d’État MCG Mauro Poggia, de demander au Conseil d’État de confier la mise au point du rapport demandé à une entité «indépendante» ou « extérieure».

L’argument à l’appui de la demande était que le rapport ne serait pas « objectif » – ou pas perçu comme tel – s’il émanait d’un des acteurs principaux de la politique face à la crise, soit du Conseil d’État. Notre refus n’impliquait évidemment pas que le gouvernement se voie interdire d’avoir recours à des compétences de spécialistes extérieurs à l’administration, mais elle visait à garantir que le gouvernement assume clairement la responsabilité politique des conclusions du rapport et ne puisse se cacher derrière l’«indépendance» prétendue d’un audit externe… de toute façon payé par l’État faisant l’objet d’un mandat du gouvernement.

Enfin, EàG a insisté dans ce débat, par la voix de Pierre Vanek, sur le fait que le dépôt de ce rapport, que le Conseil d’État doit obligatoirement rendre dans les six mois, ceci à teneur de la Loi portant règlement du Grand Conseil (LRGC, art.148). soit au plus tard au début du mois d’octobre… ne viendrait nullement clore le débat politique sur ces questions, mais au contraire qu’il devait permettre de l’ouvrir réellement dans les meilleures conditions possibles. Ainsi, a-t-il plaidé, il faut que le rapport comporte les plus de données brutes possibles pour que chacun·e puisse les analyser pour élaborer, et défendre, ses propres conclusions, qui ne seront évidemment pas les mêmes selon le bord dont on parle.

Pierre VANEK