Lors de l’enquête administrative dans l’affaire dite « Ramadan », des femmes, anciennes victimes de leur enseignant, ont été confrontées à la violence de la procédure administrative et en sont ressorties extrêmement choquée. Ensemble à Gauche se bat avec succès pour améliorer la position des victimes dans la procédure administrative.

Autant le dire tout de suite, c’est assez technique ! A l’époque où le DIP avait ouvert une enquête contre Tariq Ramadan, les victimes qui étaient entendues dans la procédure administrative (c’est-à-dire la procédure entre l’Etat-employeur et son employé) avaient le simple statut de témoin. Or, la loi de procédure administrative genevoise (LPA), contrairement aux lois de procédures civile et pénale, né prévoyait aucun droit particulier pour les victimes. En particulier, les victimes n’avaient pas le droit de refuser de répondre à des questions ni d’être accompagnée.

Les victimes entendues se sont trouvées face à un feu nourri de questions, émanant d’avocats qui. Logiquement, cherchaient à les décrédibiliser. Elles ont vécu la situation typique dans laquelle la victime est accusée d’affabuler, de fantasmer, de mentir, ou d’être la cause des actes de l’agresseur. La victime trainée dans la boue, on connaissait cela depuis longtemps dans les procès pénaux, raison pour laquelle les procédures pénales, un peu partout dans le monde, ont renforcé la position des victimes en procédure. Mais la LPA ne prévoyait rien de tel.

Dès lors, divers groupes politiques ont proposé diverses solutions. Le PLR a mis en avant une modification limitée aux procédures disciplinaires, qui autorisait les victimes à se faire accompagner d’une personne de confiance et d’un avocat (PL 12349). Les Verts ont proposé de reconnaître à la victime la qualité de partie, « dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts », ce qui aurait permis au victime d’être accompagnée d’un avocat, et aurait sans doute donné d’autres droit dont le contour est imprécis (PL 12350). Le Conseil d’Etat a proposé d’autoriser les victimes à être accompagnée d’une personne de confiance, qui avait interdiction d’ouvrir la bouche (PL 12392). Grâce à la ténacité d’EAG en commission, des modifications substantielles ont pu être intégrées au PL 12392, et finalement la majorité s’est ralliée à un projet qui accorde aux victimes le droit être accompagnées par une personne de confiance ou par un avocat, le droit de refuser de répondre à certaines questions, le droit d’être entendues hors la présence des parties, et le droit d’être informées de l’issue de la procédure. C’est la loi 12392, qui a été adoptée par le Grand Conseil le 29 juin 2019, et qui est aujourd’hui en vigueur.

C’était là un grand pas en avant, mais pour EàG, il faut aller plus loin : la victime devrait être autorisée à consulter le dossier pour préparer son audition, à suggérer l’audition d’autres témoins, à poser des questions au fonctionnaire incriminé, et à faire recours contre la décision. C’est pour cette raison qu’EAG a déposé la motion M 2557, qui invite le Conseil d’Etat à examiner comment accorder encore plus de droits aux victimes, dans le cadre de la révision complète de la LPA qui est en cours. Alors qu’en commission, des députés PLR et PDC s’y étaient opposés, c’est finalement une large majorité du Grand Conseil qui a approuvé cette motion.

Pierre Bayenet