Une alliance EàG, Socialiste, Verts et PDC, ne parvient de justesse pas à faire adopter une motion s’opposant à ce que la police communique la nationalité des prévenus. La communication de la nationalité des prévenus donne lieu, sur les réseaux sociaux, à des déchainements de remarques racistes, raison pour laquelle la police Genevoise a déjà, lorsqu’elle communique, renoncé à donner cette information. 43 députés contre 42 ont toutefois souhaité que la police soit libre de continuer à fournir cette information.

Des députés EAG, Socialistes, Verts et PDC ont déposé la motion M 2434 qui vise à ce que la police cesse de communiquer la nationalité des délinquants qu’elle interpelle. En effet, ces communications stigmatisent certaines communautés, qui sont surreprésentées dans certaines types d’activités criminelles, lesquelles sont par leur nature plus sujettes à des communications de la part de la police.

Les criminologues, les juges pénaux et la police savent que le crime fonctionne en réseau organisés, sont souvent construits autour de certaines villes ou régions. Le mythe se mélange parfois à la réalité, mais tout comme l’économie légale a ses spécialités régionales (banques à Genève, mécanique dans la vallée de l’Arve, systèmes informatiques dans la Silicon Valley, montres dans la vallée de la Brévine), il est indéniable que le crime, s’il existe partout, a également ses capitales et ses spécialités : il existe un grand banditisme corse, des puissantes mafias au sud de l’Italie, un trafic d’héroïne qui a son siège dans la ville de Berat au centre de l’Albanie, une cybercriminalité d’escroquerie sur les côtes maritimes du Nigéria, un trafic de cocaïne qui géographiquement passe par un petit nombre de pays d’Afrique de l’Ouest, une criminalité électronique portant sur des cartes bancaires qui s’organise dans quelques grandes villes de Transylvanie, etc. Tout est question de spécialisation, d’utilisation des ressources disponibles et de mise en valeurs de certains avantages comparatifs.

La problématique de la communication de l’identité des prévenus est la suivante : la répartition des compétences en matière de communication veut que le Ministère public communique sur les crimes et délits importants (meurtres, violences conjugales, séquestrations, violences sexuelles, criminalité économique), alors que la police communique sur les affaires mineures (vente de quelques grammes de stupéfiants, violences mineures contre la police). Le Ministère public communique très peu, voire pas du tout lorsqu’il s’agit de sujets VIP, et n’indique pas la nationalité des prévenus, alors que la police communique à foison, et indique la nationalité des prévenus, qui est toujours reprise dans la presse. Or, les infractions mineures au sujet desquelles la police a le droit de communiquer [un dealer nigérian a tenté de vendre un gramme de cocaïne à un policier en civil] concernent des domaines dans lesquels les étrangers sont surreprésentés. A l’inverse, dans les domaines graves dans lesquels le Ministère public ne communique habituellement pas [un homme viole la fille de sa voisine] les suisses sont beaucoup plus représentés. Il y a en effet assez peu d’intérêt pour un suisse à aller vendre de la cocaïne dans la rue, alors qu’il existe d’autres moyens plus lucratifs, honnêtes ou malhonnêtes, de gagner sa vie.

La communication d’information sur la nationalité des personnes arrêtées par la police devrait donc être interrompue, car elle donne une image trompeuse d’extrême surreprésentation des étrangers parmi les délinquants. Malheureusement, le Grand Conseil a refusé cette motion, le PDC lui-même étant divisé et le reste de la droite s’y étant opposé.