À Genève, 1600 gros actionnaires touchent 1 milliard de francs par an de dividendes (revenus des actions). «C’est de l’argent qu’on gagne en dormant», disait le président Mitterrand. Or, les bénéficiaires de ces montants facilement gagnés bénéficient d’un privilège fiscal inouï: sur 1000 francs qu’ils empochent, 300 francs ne sont pas du tout imposés. De plus, ils ne cotisent pas à l’AVS et aux assurances sociales.

Cette injustice a été introduite par la 2e réforme de l’imposition des entreprises en 2008. Avant cette date, les gros actionnaires payaient des impôts comme tout le monde. Or, malgré la 3e réforme de l’imposition des entreprises (RFFA), qui a réduit de moitié l’imposition des bénéfices de la plupart des personnes morales en 2020 à Genève, avec la bénédiction des conseiller·e·s d’État socialistes et verts, la taxation partielle des dividendes a été à peine augmentée.


Il y a un rapport direct entre les bénéfices nets des entreprises, dont la taxation a été réduite de moitié, et la distribution de dividendes aux propriétaires des titres. En effet, il y a seulement 30 ans, 70 % des bénéfices nets étaient réinvestis dans l’entreprise, tandis que 30 % venaient grossir les fortunes privées des actionnaires; aujourd’hui, c’est l’inverse: 30 % des bénéfices nets sont réinvestis, tandis que 70 % grossissent les fortunes privées; et cela va encore augmenter après l’introduction de la RFFA en 2020… C’est pour cela que la masse totale des fortunes privées de plus de 3 millions a triplé durant ces 7 dernières années à Genève!


La droite nous objecte que Genève est le canton qui exploite le plus fortement son potentiel fiscal. Or, cet argument est trompeur, puisque que la fiscalité directe progressive n’est pas seulement tributaire du montant total de la richesse taxée, mais aussi et surtout de sa distribution. Plus l’inégalité sociale est forte, plus les super-riches doivent payer d’impôts et se battent pour en payer moins. C’est exactement la situation du canton de Genève, qui est le plus inégalitaire de Suisse!


En dépit de cela, le Conseil d’État à majorité «de gauche» a appelé le Grand Conseil à refuser notre initiative sans contre-projet sous prétexte que la RFFA a été acceptée par le peuple, qu’imposer les bénéfices d’une société (même 50 % de moins) et les gros actionnaires relèverait d’une double imposition économique, que les gros actionnaires pourraient quitter le canton, ou encore que Genève exploite déjà le plus fortement son potentiel fiscal… Un argumentaire digne du PLR!


Pour cette raison, Ensemble à Gauche compte bien mobiliser les électeurs·trices pour que les gros actionnaires soient traités, fiscalement du moins, sur un pied d’égalité avec les salarié·e·s et les retraité·e·s. Notre initiative devrait être soumise au corps électoral au plus tard d’ici la fin de l’année 2022 ou le début de l’année 2023. Ce sera l’occasion de réparer une injustice crasse.

Jean Batou