Le Coronavirus et les mesures prises afin de contenir l’épidémie rythment notre quotidien depuis quelques jours. À l’occasion de la session de mars du Grand Conseil, plusieurs partis ont déposé des textes traitant de ce sujet. Alors que la droite se soucie avant tout de l’économie et réclame allègements fiscaux et gel des embauches dans la fonction publique, Ensemble à Gauche dépose une question au sujet des mesures prises afin de faire face à l’épidémie et une résolution réclamant un déplafonnement des dépenses en matière de santé et de social. Cette résolution prévoit également la mise en place d’un impôt de solidarité touchant les privilégiés afin de financer ces dépenses exceptionnelles. Le Coronavirus implique des réponses collectives et plus de solidarité! Enfin, nous soutenons une résolution qui réclame des mesures immédiates en faveur des milieux culturels, touchés de plein fouet par les mesures liées à l’épidémie.

Le 16 mars, le Conseil fédéral et le Conseil d’Etat genevois ont annoncé de nouvelles mesures afin d’endiguer la pandémie de Coronavirus. Les mesures sanitaires annoncées ne vont pas assez loin et arrivent avec plusieurs jours de retard. Alors qu’un dispositif de soutien à l’économie a été annoncé, Ensemble à Gauche réclame que des mesures sanitaires et sociales ambitieuses soient prises immédiatement.

Conformément à la loi sur les épidémies, le Conseil fédéral a déclaré la “situation extraordinaire”. Il s’agit maintenant d’aller beaucoup plus loin et de ne laisser se rendre sur leurs lieux de travail que les personnes indispensables au bon fonctionnement des services publics essentiels, en particulier de la santé et à l’approvisionnement de la population. Ce n’est pas l’option prise par les autorités fédérales ou cantonales, alors que la pandémie flambe toujours et que le risque de surcharge des hôpitaux s’accroît de jour en jour.

La lenteur et les hésitations des autorités fédérales et cantonales reflètent leur obsession pour les conséquences d’un plan d’action radical pour les entreprises privées, alors que l’inaction risque de coûter chaque jour plus cher à la population en termes de souffrances et de pertes humaines.

En cette période particulièrement difficile, la défense prioritaire du bien commun devrait être la seule ligne de conduite. Il est juste de faire appel à la responsabilité citoyenne, mais il importe aussi que le Conseil d’Etat et toutes les autorités prennent leurs responsabilités dans la résolution de cette crise sanitaire. La Suisse et le canton de Genève ont largement les moyens d’un plan de développement massif de la santé publique et des prestations sociales.

Découvrez ci-dessous la question et la résolution déposées par Ensemble à Gauche:

Proposition de résolution

Genève, le 11 mars 2020.

Solidarité face à l’épidémie de COVID-19

vu l’article 75 de la Loi fédérale sur les épidémies (LEp) qui prévoit que « Les cantons exécutent la présente loi dans la mesure où son exécution n’incombe pas à la Confédération. »

vu l’article 113, « Etat de nécessité », de la Constitution cantonale, qui prévoit que, « en cas de catastrophe ou d’autre situation extraordinaire, le Conseil d’Etat prend les mesures nécessaires pour protéger la population ».

vu l’article 35, « Crédits urgents » de la loi sur sur la gestion administrative et financière de l’Etat (LGAF), qui prévoit qu’ « à titre exceptionnel, si des circonstances particulières empêchent absolument le Conseil d’Etat de requérir un crédit supplémentaire, il peut prendre l’engagement financier correspondant et déposer dans les 3 mois au Grand Conseil un projet de loi l’autorisant. »

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :

  • que le canton va devoir faire face à une épidémie de COVID-19 durant les prochaines semaines et mois ;
  • que cette épidémie et ses effets collatéraux vont notamment solliciter de manière importante le système de santé publique ainsi que diverses prestations sociales ;
  • que la lutte contre cette épidémie et ses effets collatéraux appellent des réponses collectives et un renforcement de la solidarité ;
  • que cette indispensable solidarité doit être affirmée politiquement ;

décide :

  • que les dépenses liées à la lutte contre le COVID-19, notamment en matière de santé publique et de social, sont déplafonnées ;
  • que le Conseil d’Etat, en cas de nécessité, prévoie la perception d’un impôt exceptionnel de solidarité auprès des personnes privilégiées afin de lever les ressources permettant de faire face à l’épidémie.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames et
Messieurs les député-e-s,

En 3 mois, le coronavirus a atteint plus de 100 000 personnes dans le monde, causant la mort de plus de 3000 d’entre elles. La progression de cette épidémie peut être suivie au quotidien, pays par pays, sur une carte établie par l’Université Johns Hopkins.

À ce stade, les experts en maladies contagieuses ne peuvent encore établir précisément la mortalité et la contagiosité de COVID-19, causée par le Sars-CoV-2, dont deux espèces distinctes, L et S, circulent déjà largement, la seconde, plus répandue, étant plus dangereuse que la première (National Science Review, 3 mars 2020).

Le taux de mortalité très élevé enregistré en Iran (actuellement 5,5%) pourrait laisser penser à l’apparition d’une troisième espèce plus virulente encore (des analyses sont en cours). Ce qui est certain, c’est que plus le germe circule, plus il a de chances de muter en passant d’un individu à l’autre. D’où les efforts requis pour contenir au maximum l’extension de l’épidémie.

Dans tous les cas, en comparaison avec le SARS (syndrome respiratoire aigu sévère) ou le MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient), COVID-19 s’est répandu beaucoup plus rapidement. Pour atteindre 1000 personnes, le MERS avait pris deux ans et demi, et le SARS 4 mois, contre 48 jours pour COVID-19.

Le 10 mars, 500 cas avaient été testés positifs en Suisse et dans la Principauté du Lichtenstein, causant déjà un mort, et l’épidémie continue à atteindre de nouvelles personnes d’heure en heure. Relativement à sa population, la Suisse est aujourd’hui le pays le plus touché d’Europe, après l’Italie. Le canton de Genève est un des cantons le plus touché de Suisse, derrière le Tessin, Vaud et Zürich.

Le 28 février 2020, le Conseil fédéral a publié une ordonnance visant à interdire les manifestations publiques ou privées réunissant plus de 1000 personnes, et à contrôler étroitement les manifestations plus restreintes. Le 6 mars, il a recommandé aussi des mesures de précaution accrues pour les personnes à risque.

S’il est difficile de prévoir comment l’épidémie va évoluer et quelles conséquences humaines, sociales et économiques elle aura, on sait que le COVID-19 va solliciter de manière importante le système de santé publique ainsi que diverses prestations sociales et imposer un certain nombre de mesures inédites. Nos hôpitaux feront sans doute face à une augmentation des besoins humains et matériels tandis que la demande de prestations sociales, telles que les livraisons à domicile pour les personnes confinées ou les personnes à risque, vont probablement exploser. Et cette augmentation de la demande ne va pas pouvoir être prise en charge sans développement de l’offre, après des décennies de politiques visant à faire fonctionner ces institutions à flux tendus.

De plus, afin d’endiguer efficacement l’épidémie, la gratuité des prestations liées au COVID-19 semble indispensable lorsque l’on sait que différentes études estiment qu’en Suisse, environ 20% des habitant-e-s renoncent à se rendre chez un-e médecin pour des raisons financières.

Alors que cette forte augmentation de la demande en services médicaux et sociaux aura sans doute un coût conséquent et qu’à ce jour les seules propositions politiques articulées ne visent qu’à aider les entreprises ou à geler les embauches du secteur public (sic !), il est utile que notre parlement réaffirme certaines valeurs fondamentales, dont la solidarité. C’est dans ce sens que les signataires de la présente résolution réclament un déplafonnement des dépenses publiques, notamment dans les domaines de la santé et du social.

Enfin, au vu de la situation financière du canton, alors que de récentes réformes de l’imposition des entreprises ont mis à mal les finances cantonales, la nécessité de lever de nouvelles ressources risque de se faire ressentir. Là encore, les signataires de cette résolution désirent rappeler leur attachement au principe de solidarité en proposant qu’en cas de nécessité, le gouvernement propose la mise en place d’un impôt exceptionnel de solidarité, touchant les privilégié-e-s, afin de faire face à l’épidémie de COVID-19.

Question urgente écrite

Genève, le 11 mars 2020.

À propos des mesures cantonales prises par le Conseil d’État en vue de lutter contre la diffusion du coronavirus

En 3 mois, le coronavirus a atteint plus de 100 000 personnes dans le monde, causant la mort de plus de 3000 d’entre elles. La progression de cette épidémie peut être suivie au quotidien, pays par pays, sur la carte établie par l’Université Johns Hopkins :

En réalité, les statistiques des personnes touchées n’ont guère de sens, puisque la majorité des cas suspectés sur la base de symptômes ne sont pas soumis à des tests.

Pour autant, il semble bien qu’après l’Italie, relativement à sa population, la Suisse soit le pays d’Europe le plus affecté par COVID-19, et que Genève, avec le canton de Vaud, soit, après le Tessin, l’un des cantons les plus touchés de Suisse. Je ne sais pas si le prof. Adriano Aguzzi, directeur de l’Institut de neuropathologie de l’Université de Zurich, a raison d’affirmer que « La Suisse se trouve aujourd’hui là où l’Italie était il y a deux semaines, et que dans deux semaines, nous serons là où l’Italie se trouve aujourd’hui » ? Mais dans tous les cas, il serait prudent de l’écouter, lorsqu’il défend qu’il serait temps « de fermer MAINTENANT toutes les institutions non essentielles et d’éviter plus de dégâts en aval » (Heidi News, 9 mars 2020).

À ce stade, les experts en maladies contagieuses ne peuvent en effet encore établir précisément la mortalité et la contagiosité de COVID-19, causée par le Sars-CoV-2, dont deux espèces distinctes, L et S, circulent déjà largement, la seconde, plus répandue, étant plus dangereuse que la première (National Science Review, 3 mars 2020). Ce qui est certain, c’est que plus le germe circule, plus il a de chances de muter en passant d’un individu à l’autre. D’où les efforts requis pour contenir au maximum l’extension de l’épidémie. Mais dans tous les cas, en comparaison avec le SARS (syndrome respiratoire aigu sévère) ou le MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient), COVID-19 s’est répandu beaucoup plus rapidement : pour atteindre 1000 personnes, le MERS avait pris deux ans et demi, et le SARS 4 mois, contre 48 jours pour COVID-19.

Le 28 février 2020, le Conseil fédéral a publié une ordonnance visant à interdire les manifestations publiques ou privées réunissant plus de 1000 personnes, mais aussi à contrôler étroitement les manifestations plus restreintes. Le 6 mars, il a recommandé aussi une série de mesures de prévention accrues pour les personnes à risque.

Aujourd’hui, le Conseil d’État a annoncé des mesures complémentaires visant à soumettre à autorisation préalable toutes les manifestations de 100 à 1000 personnes. Il a surtout annoncé des mesures concrètes de soutien à l’économie privée (fonds de 95 millions pour des cautionnements et des prêts, activation facilitée du chômage partiel, délais supplémentaires pour le paiement des impôts, etc.).

En matière de protection de la population, il est resté beaucoup plus flou, comme le révèle cette formule du président du Conseil d’État, qui prêterait à sourire dans un autre contexte : « Il faut éviter l’alarmisme parce que les choses sont ce qu’elles sont ».

Ceci m’amène aux questions suivantes concernant le plan d’action envisagé par les autorités genevoises pour l’ensemble des habitant·e·s du canton, compte tenu des importantes compétences dont elles disposent en la matière à teneur de la loi fédérale sur les épidémies (art. 40, alinéas 1 et 2 LEp).

  1. L’État de Genève ne devrait-il pas prendre des mesures beaucoup plus fortes afin de contenir la diffusion de l’épidémie sur les lieux de travail. Les mesures annoncées par l’État, comme principal employeur, à l’égard de ses employé·e·s à risque (aménagement des horaires et des postes de travail, possibilités étendues de télétravail, libération de l’obligation de se rendre au travail, etc.), ne devraient-elles pas pour le moins être imposées à tous les employeurs ?
  2. La mise en place d’horaires de travail décalés afin d’étaler les heures de pointe dans les transports publics, ainsi que l’augmentation des rythmes de passage des véhicules pendant ces créneaux horaires, ne devraient-elles pas être envisagées dans toute la mesure du possible ?
  3. Quel dispositif le Conseil d’État entend-il mettre en place pour garantir le maintien de l’intégralité du salaire des employé·e·s empêchés totalement ou partiellement par l’épidémie en cours de se rendre sur leurs lieux de travail ?
  4. Le Conseil d’État envisage-t-il de communiquer largement pour faire connaître les droits et devoirs des employeurs et des employé·e·s dans le contexte de l’épidémie en cours ?
  5. Quelles mesures spécifiques le Conseil d’État a-t-il décidé de prendre en faveur des « intermittents du spectacle », dont le gagne-pain dépend de la tenue d’événements publics ?
  6. En cas d’installation de l’épidémie dans la durée, le Conseil d’État ne devrait-il pas intervenir auprès de Berne pour une extension des délais légaux de protection contre les licenciements inopportuns ?
  7. Quel plan d’urgence l’Aéroport International de Genève a-t-il adopté, comme il y est tenu par la loi fédérale sur les épidémies (article 42, alinéa 1 LEp) ?
  8. Quelles mesures le Conseil d’État envisage-t-il de prendre en cas de réquisition du personnel de santé frontalier travaillant à Genève ? En effet, les préfets ont cette compétence à l’échelle départementale (Code de la santé, article L.3131-8).
  9. Comment le Conseil d’État envisage-t-il de financer l’ensemble des mesures nécessaires à la gestion de la crise sanitaire en cours ? Ne devrait-il pas proposer au Grand Conseil l’introduction d’un impôt de solidarité exceptionnel à charge des personnes privilégiées ?
  10. Le 4 mars, le Département fédéral de l’intérieur a décidé que le test de dépistage de COVID-19 serait remboursé à hauteur de 180 francs par l’assurance maladie obligatoire.
  11. Quel est le prix actuellement facturé pour ce test par les HUG ?
  12. Les HUG disposent-ils du nombre de kits nécessaire pour faire face aux besoins de dépistage prévisibles dans les jours et semaines à venir ? Sinon, quelles mesures le Conseil d’État envisage-t-il pour combler un éventuel déficit ?