Dans le Royaume du Maroc, de nombreux journalistes et autres leaders d’opinion sont incarcérés de manière abusive, sur la base d’accusations fragiles et sans respect de leur droit à un procès équitable. Officiellement, il n’y a pas de prisonniers politiques ou d’opinion au Maroc et le code de la presse réformé en 2016 stipule que les journalistes ne peuvent être détenus pour leurs activités professionnelles. Néanmoins, le dernier rapport annuel de Reporters sans frontières (RSF) fait état d’un nouveau recul de trois places du Maroc en termes de liberté d’expression et de la presse, le plaçant 136e sur 180 pays. Ensemble à Gauche veut que la Suisse s’engage sur ce dossier.

Plus précisément, de forts soupçons d’instrumentalisation de la justice et de manipulation politique sont exprimés à la suite des investigations et rapports du Groupe de travail Onusien sur la détention arbitraire, d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de Reporters Sans Frontières et de nombreuses autres sources dignes de foi. Autrement dit, des procès de droit communs tendent à masquer des procès politiques.

Parmi les cas documentés figurent notamment ceux de deux journalistes. L’éditorialiste Soulaïmane Raïssouni, lauréat du Grand prix du journalisme d’investigation en 2012, se distinguait par une ligne éditoriale critique à l’égard des autorités marocaines. Depuis le 22 mai 2020, il est en détention préventive pour des accusations (« attentat à la pudeur avec violence et séquestration » d’un homme en 2018) et selon des procédures hautement contestables.

Pour sa part, le journaliste d’investigation Omar Radi est connu pour ses enquêtes sur les accaparements de terres collectives, la corruption des hauts fonctionnaires, la surveillance policière et les violations des droits humains. Il est également en détention préventive depuis le 29 juillet 2020, au titre de douteuses accusations de mœurs, d’espionnage et d’atteinte à la sûreté d’État. Dans ces deux cas, les audiences des procès les concernant sont sans cesse reportées, et leurs avocats n’ont pas accès à leur dossier.

Les 8-9 avril 2021, ces deux journalistes sont entrés en grève de la faim pour exiger au nom de la présomption d’innocence leur remise en liberté en attendant leur jugement. Ils protestent aussi contre les conditions d’incarcération qui leur sont arbitrairement infligées (isolement, remise partielle du courrier et des colis, absence de contacts réguliers avec leurs familles, etc.). Omar Radi qui souffre entre autres de la maladie de Crohn a perdu 20 kg. Le 1er mai et au bout de 22 jours, il a suspendu sa grève de la faim après que ses saignements internes ont fait craindre pour ses jours. Pour sa part, Soulaïmane Raïssouni poursuit sa grève de la faim et son état de santé est très préoccupant au vu des multiples maladies chroniques dont il souffre. Il a perdu 25 kg.

À noter également le cas du citoyen maroco-américain Chafik Omerani qui a entamé une grève de la faim dès son arrestation à son arrivée au Maroc le 6 février 2021. Il a été condamné pour délit d’expression (critique du régime et du monarque marocains dans des vidéos sur Internet).
Dans ces conditions dramatiques, le rôle que peut jouer la Suisse en termes de défense et de promotion des droits humains est essentiel.

Ensemble à Gauche a posé ces deux questions au Conseil fédéral:

  1. Au vu des relations multiformes qu’entretient la Confédération avec le Maroc et de l’inscription de ses relations internationales dans le cadre de la promotion des droits humains, ne doit-elle pas user de son influence pour encourager les autorités marocaines à se montrer plus respectueuses des libertés et à respecter le droit au procès équitable ?
  2. La Confédération ne devrait-elle pas, au nom du droit humanitaire (ou du devoir d’assistance), user de son influence pour sauver la vie des grévistes de la faim ?