Le 13 mars, le Conseil fédéral a annoncé des mesures exceptionnelles face à une situation « grave ». Une annonce qui retarde malheureusement de plusieurs jours sur les avis de nombreux experts à l’échelon international et national. L’exemple de la Chine, puis celui de l’Italie ou de la Corée du Sud, les dispositions prises en amont par le Danemark ou la République tchèque, rien n’y a fait… Le Conseil fédéral s’en est tenu à un dispositif timide.

Face à la lenteur des autorités, vingt-cinq des meilleurs spécialistes du pays ont lancé un cri d’alarme : «Une transmission interhumaine soutenue du nouveau coronavirus en Suisse semble aujourd’hui inévitable (…) Les mesures en vigueur sont loin d’être suffisantes (…) La pression excessive attendue sur le système de santé et ses employés entraînera des taux de mortalité plus élevés (…) Chaque jour compte (…) Nous vous demandons de déclarer une ‘situation extraordinaire’ conformément à la loi sur les épidémies et de décider de mesures d’endiguement de grande envergure».

Ce n’est pourtant toujours pas l’option prise par les autorités fédérales, alors que la pandémie flambe et que l’on renonce à tester massivement la population, comme l’ont fait les pays les plus engagés dans la bataille pour contenir la diffusion du virus. Ce choix alarmant ne permet plus de mesurer la progression de la pandémie en Suisse et d’adapter les mesures prises aux évolutions très rapides de la situation. A cela s’ajoutent les conséquences directes de la mondialisation capitaliste et de sa production en flux tendus, privant la population de stocks nécessaires de matériel de prévention comme les masques de protection.

La lenteur et les hésitations du Conseil fédéral reflètent son obsession pour les conséquences économiques d’un plan d’action radical, alors que l’inaction risque de coûter chaque jour plus cher à la population en termes de souffrances et de pertes humaines.

En cette période particulièrement difficile, la défense prioritaire du bien commun devrait être la ligne de conduite des autorités. La Suisse a largement les moyens d’un plan de développement massif de la santé publique et des prestations sociales. Et en amont, elle devrait se porter en tête des pays qui luttent pour un plan d’urgence contre le réchauffement climatique et la défense de la biodiversité, de nombreux scientifiques ayant montré les liens qui unissent ces phénomènes avec l’irruption de nouveaux germes pathogènes et de nouvelles pandémies mondiales.

Une priorité à la défense du bien commun, cela signifie :

  1. Garantir l’approvisionnement suffisant et la gratuité de toutes les mesures préventives, des tests et des traitements relatifs à COVID-19.
  2. Le renforcement massif du service public de la santé afin de garantir un droit au meilleur traitement pour toutes et tous et des conditions de travail acceptables pour les personnels concernés.
  3. Une assurance maladie pour toutes et tous avec des cotisations proportionnelles aux salaires, sur le modèle de l’AVS.
  4. La défense des droits des salarié·e·s face à l’épidémie : garantie du versement des salaires et interdiction de licencier les personnes malades ou empêchées de se rendre à leur travail pour des raisons préventives tant que dure l’épidémie. Protection des personnes vulnérables par le recours au télétravail ou libération de l’obligation de travailler avec maintien du salaire.
  5. En défense de l’intérêt public, la Confédération doit recourir à la licence obligatoire (suspension des droits liés à la propriété intellectuelle). La puissante industrie pharmaceutique suisse qui vient de bénéficier d’allègements fiscaux massifs au titre de RFFA ne doit pas profiter de la crise sanitaire.
  6. Un plan public national de recherche sur les maladies à virus et leur développement. Les gouvernements ont refusé de financer la recherche sur les coronavirus, pourtant au cœur de la préoccupation des experts depuis le début des années 2000. Les conséquences sont sous les yeux de toutes et tous.
  7. Un renforcement massif de l’AVS pour faire face à la dégringolade prévisible du 2e pilier, causée par l’effondrement des marchés financiers. Intégration du 2e pilier à l’AVS avec garantie des acquis.
  8. L’engagement de la Suisse en première ligne dans la mise en place d’un plan d’urgence pour le climat et la défense de la biodiversité, seul moyen de freiner le développement de catastrophes annoncées, dont les nouvelles pandémies sont un aspect.

Toutes les dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire doivent être prises en charge par un impôt de solidarité nationale fortement progressif.