Parmi les personnes hospitalisées ou décédées pour cause de COVID-19, les hommes sont sensiblement plus nombreux. Les raisons de cette différence ne sont pas encore établies de façon systématique. En revanche, les femmes sont clairement surreprésentées parmi les victimes économiques et sociales indirectes de la pandémie en cours, dans le monde du travail comme au sein de la famille.

Au travail, tout d’abord, les femmes sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à occuper des postes mal rétribués et précaires, en particulier dans le vaste secteur informel des services à la personne (des femmes de ménage aux mamans de jour), où le télétravail est pratiquement impossible. Bien souvent, l’interruption brutale de leur activité, conséquence du confinement de la population, ne leur donne droit à aucune compensation ou aide matérielle digne de ce nom. Pour les travailleuses sans statut légal, le renforcement des contrôles policiers dans l’espace public est une source supplémentaire de difficulté. C’est l’une des raisons pour lesquelles la régularisation des sans papiers s’impose plus que jamais.

Ensuite, les femmes sont majoritaires dans les secteurs du nettoyage, de la grande distribution alimentaire et de la santé, ces activités indispensables qui sont en première ligne au front contre le virus. Or, elles n’y disposent souvent pas des moyens adéquats pour se protéger (respect d’une distance sociale suffisante, port de masques, pose d’écrans en plexiglas, tests facilités, etc.), quand les employeurs, notamment ceux des grands magasins, n’en empêchent pas sciemment la mise en œuvre pour ne pas effrayer la clientèle.

Dans le domaine des soins et de la santé, dont les effectifs ont été chroniquement affaiblis par des années de restrictions budgétaires, les dispositifs de protection adéquats sont insuffisants, tandis que la surcharge de travail ne permet pas toujours au personnel de se protéger adéquatement. C’est le cas dans les hôpitaux, bien sûr, mais aussi dans les soins à domicile et les EMS. Et comme si cela ne suffisait pas, le Conseil Fédéral, dans un climat d’union sacrée, du PS à l’UDC, vient de décider sans consultation de déroger par ordonnance aux protections légales minimales relatives au temps de travail et de pause dans ce secteur. Tout ceci est évidemment inacceptable sans négociations et allocations de compensations appropriées.

Pour les femmes, ces discriminations accrues en tant que salariées se doublent de difficultés supplémentaires dans la sphère familiale. Compte tenu de la répartition inégale des tâches d’éducation et de soin, sans parler des tâches ménagères, elles subissent plus que les hommes les effets de la fermeture des écoles et de la plupart des crèches, du confinement des enfants à la maison et des précautions à prendre à l’égard des grands-parents, dans un contexte où une partie d’entre elles sont astreintes au télétravail. On comprend que la situation devienne particulièrement inextricable pour les mères célibataires et celles qui ont des enfants handicapés à charge. Là aussi une réponse des pouvoirs publics s’impose en termes d’aide sociale et de compensation financière.

Enfin, dans les pays où une partie de la population vit confinée à domicile, les violences contre les femmes et les enfants ont augmenté de façon inquiétante, alors que leurs victimes sont le plus souvent empêchées de faire appel à des secours extérieurs. Il importe ici d’accorder immédiatement une aide accrue aux services publics et associations en mesure de lutter contre les violences à l’égard des femmes et des enfants, afin de socialiser la prise en charge de l’une des conséquences du confinement.

C’est en voyant la pandémie avec les yeux des femmes, que les autorités doivent envisager et prendre des mesures appropriées ; pour suspendre le travail dans les secteurs économiques non essentiels en garantissant les revenus de l’ensemble de leurs salarié·e·s ; pour veiller au respect des mesures de prévention recommandées dans les secteurs essentiels et revaloriser leur statut en collaboration avec les travailleurs·euses concernés et leurs organisations ; pour mettre en place des mesures d’aide et de soutien aux femmes confinées à domicile, astreintes à une charge de travail accrue et exposées plus qu’auparavant à la violence de leur conjoint.

Jean Batou