La majorité du Grand Conseil (PS, Verts, PDC et MCG) a approuvé le rapport de gestion du Conseil d’Etat pour l’année 2021, dans le cadre du traitement des comptes. Ensemble à Gauche a refusé ce soutien à un gouvernement qui a continué à défendre les intérêts des plus riches pendant la crise, malgré le changement de majorité.

Les comptes 2021 de l’Etat de Genève offrent un aperçu saisissant des inégalités sociales, que la crise liée au Covid a encore davantage creusées. La très bonne santé financière du canton repose d’abord sur des bénéfices records des plus grosses entreprises qui ont permis d’accroitre massivement les revenus de l’impôt sur le bénéfice. Dans l’horlogerie et la bijouterie, l’accroissement des bénéfices atteint 65,6% ! La hausse est également très forte dans le commerce international (+26%) et dans la finance (+8.1%), ou encore dans l’industrie chimique et pharmaceutique (+9.6%) et le commerce de détail (+8.7%). Des résultats exceptionnels alors que l’année 2021 était fortement marquée par la crise du Covid.

La situation est différente du côté de l’impôt sur les personnes physiques, puisque les revenus fiscaux sont inférieurs de 58 millions au budget. Si cet écart provient largement de corrections concernant les années précédentes, il souligne aussi que les revenus de nombreuses personnes ont stagné, voire diminué en 2021. En revanche, les riches se portent toujours aussi bien et l’impôt courant sur la fortune affiche une hausse de 89 millions.

Les recettes fiscales ont également été dopées par les grosses transactions immobilières. En effet, 26 transactions générant au moins 1 million de francs ont été comptabilisées en 2021, contre seulement 4 en 2020 et 2019, 3 en 2018. Cela représente un volume de 113 millions (contre 16 millions en 2020 et 2019, 11 millions en 2018). Des chiffres spectaculaires qui révèlent la spéculation immobilière, mais aussi la concentration de fortunes dans le canton.

Le Covid a donc considérablement approfondi les inégalités sociales du canton, d’autant plus que le Conseil d’Etat n’a rien fait pour l’empêcher. Alors que plus de 500 millions ont été versés aux entreprises, rien n’a été fait pour venir en aide à celles et ceux qui subissaient une baisse de salaire. Le gouvernement, comme la majorité du Grand Conseil, a toujours refusé les propositions d’Ensemble à Gauche d’assurer la totalité du salaire aux personnes en RHT, ainsi que de conditionner les aides aux entreprises à des garanties en termes de maintien des salaires et de l’emploi. Pire, prétextant un déficit abyssal bidon au moment du budget, le Conseil d’Etat a proposé de réduire tous les salaires de la fonction publique de 1% ! Le gouvernement a finalement fait marche arrière piteusement et a retiré son projet de loi qui avait été rejeté par la commission des finances, afin de s’éviter un camouflet en plénière. En revanche, l’annuité n’a pas été versée, ce qui apparaît aujourd’hui injustifiable. Pour rappel, seul Ensemble à Gauche s’était opposé à cette mesure d’économie sur le dos de la fonction publique. De surcroît, les salaires de la fonction publique n’ont pas été indexés en 2021, alors que l’indice des prix à la consommation – selon les chiffres de la FER – a crû de 1.2% en décembre 2021, par rapport aux chiffres de l’années précédente.

De l’autre côté, les grosses entreprises ont continué à bénéficier de la RFFA. Lors de la présentation des comptes, le gouvernement a prétendu que c’était ce cadeau fiscal gigantesque qui avait permis d’engranger des recettes de l’imposition sur le bénéfice aussi importantes. Une affirmation qui ne repose sur absolument aucune base scientifique ! Il est d’ailleurs difficile à croire que les entreprises de l’horlogerie ou de la fiance auraient délocalisé entre 2020 et 2021 si elles n’avaient pas bénéficié d’une baisse massive de l’imposition sur les bénéficies. Au contraire, durant ces années de crise, les infrastructures – notamment sanitaires – mais aussi la stabilité économique et sociale ont probablement été des facteurs déterminants. En réalité, la RFFA a privé l’Etat de centaines de millions en 2021. Mais la réforme a aussi eu pour effet d’accroitre la dépendance fiscale au commerce international, un secteur volatile qui dépend beaucoup des taux d’imposition. En 2021, la moitié des revenus de l’impôt sur le bénéfice provient du commerce international, alors que le secteur représentait environ 20% de l’impôt avant la RFFA. Le Conseil d’Etat et la majorité de droite du Grand Conseil sont donc en train de favoriser le développement d’entreprises qui exigeront toujours plus de cadeaux fiscaux, au lieu d’investir et de développer le tissu industriel et une activité économique davantage ancrée dans le territoire.

Mais ce que disent les chiffres des comptes, c’est aussi que l’Etat avait les moyens de mettre en place un programme social beaucoup plus ambitieux en 2021, afin de répondre aux besoins essentiels de la population et éviter que certain·e·s ne basculent dans la précarité. Il est aussi possible de développer le secteur de la santé qui est lessivé par les deux années de Covid. L’état d’épuisement – physique et mental – des salarié·e·s de l’hôpital risque d’entraîner la prochaine crise sanitaire. Or, sur ce front également, le Conseil d’Etat est resté largement inactif.

Il faut souligner à quel point les rentrées fiscales systématiquement sous-estimées au moment de l’élaboration des budgets biaisent le débat. En 2021, les revenus ont été supérieurs de plus d’un milliard et demi par rapport aux prévisions de l’automne 2020, dont près d’un milliard de rentrées fiscales supplémentaires. Un tel décalage a des conséquences fortes et les déficits annoncés permettent de mettre systématiquement la pression sur les dépenses. Certes, l’année 2021 était exceptionnelle en raison de la conjoncture, mais force est de constater que le gouvernement tend à se tromper très largement ces dernières années. Ainsi, en 2020, l’Etat avait enregistré une augmentation de près 445 millions par rapport au budget, qui avait pourtant été élaboré avant la crise du Covid ! En 2019, les revenus ne dépassaient les estimations budgétaires « que » de 282 millions. 

Pour terminer, il faut souligner à quel point, le Conseil d’Etat ne tire par les enseignement du Covid. Alors que le réchauffement climatique, la déforestation ou l’augmentation continue du transport aérien sont des facteurs qui favorisent l’apparition et la dissémination de pandémies, le bilan du Conseil d’Etat sur le front environnemental est bien maigre. Pourtant, la multiplication de catastrophes naturelles résonne avec les cris d’alarme des scientifiques sur les conséquences dramatiques et rapides qu’aura la crise environnementale dans les années à venir. Là encore, force est de constater, que le canton de Genève avait les moyens de faire beaucoup plus.

Jean Burgermeister