Le conseil d’Etat a rendu un rapport sur l’application de la L12836, accordant un crédit de 12 millions de francs pour les associations intervenant auprès des populations en difficultés, notamment auprès des travailleur.euses précaires. La quasi-totalité de ce crédit a été utilisé. C’était le but visé. Toutefois, il faut déplorer ce que certains intervenants sur le terrain ont relevé. A savoir que certaines exigences administratives se sont révélées rédhibitoires pour des personnes vivant une grande précarité professionnelle. Difficile pour elle de produire des documents que leurs employeur.euses se gardent bien de fournir. Aussi compliqué pour elles de se rabattre sur une déclaration sur l’honneur pour attester de montants peu clairs et dramatiquement aléatoires. Des exigences qui risquent fort d’alimenter le non recours. Un phénomène que l’on cherche généralement à bannir. Prenons donc garde à ne pas l’alimenter en ce trompant de sujets de méfiance !

Notre intention n’est pas de remettre en question le bilan de la mise en application de la L12836, les chiffres sont là, les caractéristiques des personnes concernées également. Non, mais la mise à l’ordre du jour de ce rapport nous donne l’opportunité de questionner à nouveau la démarche et les critères mis en place pour accéder à des prestations indispensables à la survie de certains groupes sociaux.

S’il fallait mettre quelque chose en exergue : c’est la réactivité et la disponibilité dont ont fait montre les associations œuvrant plus particulièrement auprès de populations touchées par une double précarité : celle de leurs statuts et celle de leurs conditions de vie. Une précarité décuplée par la crise Covid.

Une crise Covid, oh combien dramatique, mais qui par ailleurs, a permis de mettre sur le devant de la scène cette précarité d’ores et déjà présente. Une précarité cruelle, dévastatrice, mais qui pouvait être si facilement minimisée, niée tant qu’elle restait dans l’ombre. Cette crise a obligé l’Etat, elle a obligé les parlementaires à regarder cette réalité en face. Cela ne s’est pas fait sans heurt. Rappelez-vous le référendum lancé contre la loi 12723. Un référendum, dont la population dans un élan de solidarité n’a massivement pas voulu.

Néanmoins, le climat généré par ce dernier a tout de même entaché les travaux du Grand conseil. Aussi plutôt que d’accepter un projet de loi d’indemnisation pour les travailleu.euses précaires durant la seconde vague, comme par exemple le projet de loi 12831 proposé par les partis de l’alternative, il lui a été préféré le projet de loi 12836 qui proposait pudiquement la même aide, mais sous couvert de subvention aux associations qui intervenaient à cette même fin auprès d’une identique population. De fait, faire la même chose sans le dire, sans créer un droit !

Cette manière de faire laisse un goût amer. Certes la population nécessitant cette aide a pu recevoir des prestations indispensables. Mais, sous la pression de l’extrême droite du parlement et avec les contorsions de la droite, le Parlement a usé d’un expédient peu franc, peu honorable. Il n’a pas assumé ouvertement sa responsabilité. Il n’a pas assumé ce pan de politique publique qui relève de la responsabilité de l’Etat. Si cette esquive interpelle, notre questionnement à cet égard ne remet en aucun cas en question le rôle et l’importance des associations caritatives. Elles qui dès le début de la crise sanitaire ont été au front et ont apporté l’aide indispensable aux exclu.es de la sécurité sociale et de la prospérité d’une Genève championne de l’accumulation ciblée des richesses. Ce constat nous invite à réfléchir sur les responsabilités de l’Etat en matière de politique sociale, sur sa réactivité et sur la nécessité de prioriser l’institution de droits plutôt que la pratique caritative.

Jocelyn Haller