Confirmant les craintes exprimées à gauche, les mesures annoncées par le Conseil d’Etat dans le cadre de la présentation du projet de budget 2021 et du plan financier quadriennal 2021-2024 constituent une atteinte grave et inacceptable aux conditions de travail et aux salaires dans le secteur public. Au-delà, ce sont bien toutes et tous les salarié-e-s du canton qui pourraient y perdre, tant les choix opérés par le gouvernement témoignent d’une détermination claire à faire porter aux travailleurs et travailleuses les conséquences économiques de la crise du Covid et des réformes fiscales en faveur des plus fortuné-e-s. Loin de prendre la mesure de la crise actuelle et de ses conséquences économiques et sociales, le Conseil d’Etat s’entête dans sa volonté de baisser les charges sans envisager la moindre nouvelle recette et n’apporte pas les réponses attendues à la précarisation galopante de la population. L’Alternative et les syndicats alertent sur les risques d’un engrenage mortifère et appellent à faire bloc derrière la fonction publique.

Si le démantèlement du service public est un processus au long cours engagé il y a déjà plusieurs années par la majorité de droite en place, l’accélération est nette et l’attaque frontale : ce n’est ni plus ni moins qu’une baisse de salaire uniforme, visant l’entier du personnel de l’Etat et de la plupart des entités subventionnées qui est annoncée. Médecins, infirmier-e-s, aide-soignant-e-s, juges, enseignant-e-s, policier-e-s, assistant-e-s sociaux-ales, etc. ; elles et eux dont la crise sanitaire et les mesures prises pour la contenir ont pourtant révélé la mission essentielle pour le bon fonctionnement de notre société, sont aujourd’hui appelé-e-s à « faire des efforts » pour permettre de retrouver un équilibre budgétaire érigé au rang de dogme quasi religieux par le gouvernement.

Cette baisse de salaire viendrait le cas échéant s’ajouter à deux mesures d’ores et déjà annoncées ou prises : le gel des annuités et la non-indexation des salaires au coût de la vie. De surcroit, le Conseil d’Etat prévoit, dans le cadre du PFQ, de revoir les parts employeur/employé-e-s des taux de cotisation des caisses de pension publiques (CPEG, Caisse de la police, Caisse des TPG). Cela représente une baisse des salaires nets, supplémentaire, et menace la recapitalisation de la CPEG à moyen terme.

Les postes supplémentaires prévus au budget 2021 sont absolument nécessaires. Ils ne sont toutefois pas suffisants pour faire face au retard accumulé ces dernières années et à l’augmentation des besoins en cette période de crise. D’ailleurs, il est à noter que l’augmentation globale des charges n’a jamais été aussi faible ces 20 dernières années, ce qui démontre que les moyens engagés par l’Etat en 2021 ne sont pas à la hauteur des enjeux actuels.

Dans le même temps, les projets de réformes fiscales en faveur des grosses fortunes continuent de se succéder : après la RFFA, dont le manque à gagner en termes de recettes fiscales se fait aujourd’hui si cruellement sentir (-264 millions en 2021), le Conseil d’Etat dévoilait publiquement il y a peu son intention de lier la réévaluation du parc immobilier à une réduction linéaire de l’impôt sur la fortune. La logique sous-jacente semble limpide : dans la conjoncture économique actuelle, les classes populaires et moyenne doivent se « serrer la ceinture » tandis qu’il convient de préserver le capital des plus fortuné-e-s. De ceux et celles-là, il n’est attendu aucun « effort » particulier. Ce sont pourtant les personnes possédant une fortune qui souffrent et souffriront le moins de la crise.

L’Alternative, le Cartel intersyndical et la CGAS ne peuvent tolérer une telle injustice sociale. De plus, la révision à la baisse des conditions salariales dans la fonction publique et parapublique menace d’ouvrir la voie à une dégradation généralisée des conditions de travail de l’ensemble des salarié-e-s du canton. Il ne fait en effet aucun doute que le patronat se sentirait alors pleinement légitimé dans son souhait de voir pareilles mesures se déployer dans le secteur privé, ce qui est déjà le cas dans certains secteurs et qui ne ferait qu’accentuer encore la tendance.

Il est particulièrement cynique de la part de la majorité bourgeoise de se servir du contexte actuel, qui place nombre de Genevoises et Genevois dans une situation de vulnérabilité inédite, pour justifier la réalisation d’une ambition politique dont les premiers jalons ont été posés il y a déjà longtemps. Rappelons d’ailleurs que la répartition des richesses à Genève est la plus inégalitaire de Suisse et la crise va immanquablement accroitre encore ces inégalités. Il est donc essentiel que l’Etat joue pleinement son rôle de redistribution des richesses. Cela passe d’abord par une fiscalité plus progressive et en particulier une hausse de l’imposition des grosses fortunes et des grosses entreprises. Cela doit permettre de financer un véritable plan de sortie de crise fondé sur la protection et la revalorisation des salaires, le développement des prestations, la création d’emplois, une meilleure répartition des richesses, pour une société plus égalitaire, plus solidaire et plus écologique.

Constatant que les besoins se sont fortement intensifiés avec la crise et sont appelés à croître encore dans les mois à venir, que les quelques nouveaux postes concédés ne seront certainement pas suffisants pour y répondre, que l’externalisation de services entiers se poursuit, l’Alternative, le Cartel intersyndical et la CGAS appellent à l la création d’un front large contre ce projet de budget et pour la défense des services publics, des prestations à la population et des salarié-e-s du public comme du privé. La volonté du gouvernement de durcir les politiques d’austérité souligne l’importance cruciale des votations du 27 septembre. En effet, l’initiative 0 pertes vise précisément à garantir le financement des services publics grâce à un impôt fortement progressif. Sortir de la crise par une meilleure répartition des richesses passe également par l’instauration d’un salaire minimum légal contre la précarité, et par le refus catégorique des fausses solutions de l’UDC, qui ne feront que diviser les salarié-e-s et les exposer à une dégradation généralisée de leurs conditions de travail, sans protéger quiconque des licenciements ni créer un seul emploi. Nous appelons donc la population à envoyer un signal fort en faveur de la justice sociale en votant OUI à zéro pertes, OUI au salaire minimum et NON à l’initiative de limitation.