Ensemble à Gauche a déposé un projet de loi en faveur de la parité au Grand Conseil. Si ce projet recueille une majorité, deux élections simultanées de 50 femmes et 50 hommes sur des listes distinctes auront lieu. « Ce système est simple, facile à comprendre, et garantit le mieux une représentation paritaire« , explique Pierre Bayenet, député EàG et premier signataire du projet de loi. « Il serait en vigueur durant 3 législatures (15 ans), dans l’objectif de changer durablement les mentalités avant un retour au système actuellement en vigueur. » La parité dans les parlements ne représente qu’une étape vers une société où femmes et hommes seraient égaux. La lutte dans les autres domaines continue et Ensemble à Gauche a de nombreuses propositions en la matière.

Le système à double élection simultanée
L’idée d’une séparation du législatif cantonal en deux groupes, l’un masculin, l’autre féminin, élu au moyens de listes elles aussi unisexuées, a été développée au sein du Grand Conseil du Canton de Neuchâtel, avec pour proposition de l’introduire pour une durée limitée de trois législatures. Les député-e-s neuchâtelois ont on effet identifié ce système comme permettant d’éviter l’écueil des quotas.

Le système à deux élections simultanées a pour conséquence que les partis politiques ont intérêt à valoriser de la même manière les candidatures masculines et féminines. Aujourd’hui, on constate que même dans les partis qui présentes autant, voire même plus de femmes que d’hommes, les urnes tendent à favoriser les hommes, pour de multiples raisons sociétales. Les partis politiques ne sont pas nécessairement poussés à valoriser les candidatures féminines puisque leur poids politiques dépend du nombre total de siège dont ils disposent, hommes ou femmes. Or, avec le nouveau système, il devient exclu qu’un homme prenne la place d’une femme. Les campagnes électorales devront donc donner la même visibilité aux listes masculines qu’aux listes féminines.

Enfin, dans ce système, le cas de figure redouté par le Tribunal fédéral – dans lequel une femme passerait devant un homme qui aurait pourtant plus de voix – est impossible puisqu’on aura deux scrutins séparés et qu’il n’y aura pas de concurrence entre hommes et femmes.

Données statistiques: des inégalités persistantes
Dans son rapport réalisé sur mandat de la Commission fédérale sur les questions féminines CFQF en juin 2016, (les femmes et les élections fédérales de 2015 : l’élan est retombé), Werner Seitz parvient à la conclusion que, tant au niveau de la Confédération qu’au niveau des cantons, on constate au mieux une lente augmentation, au pire une forte régression du nombre de femmes élues.

Ainsi, la proportion de femmes élues au Conseil des Etats est passée de 24% à 15% entre 2003 et 2015. La proportion de femmes élues au Conseil national en 2015 était de 32%, en légère hausse depuis 2007. Selon ce rapport, la proportion de femmes candidates au Conseil national en 2015 était de 37,1% dans le canton de Genève.

Dans les législatifs des cantons, la proportion de femmes est à peu près stable depuis 1996 : elle était de 24,1% durant la période 1996-1999, de 24,2% pour la période 2000-2003, de 26,5% pour la période 2004-2007, de 25,9% pour la période 2012-2015. Il faut également relever que les cantons les plus égalitaires s’agissant de la représentation de femmes au Grand conseil étaient, pour la période 2012-2015, Bâle-campagne (37,8%), Zürich (33,95), puis Argovie (32,1%). Genève, avec 26% de femmes au Grand conseil, était le canton médian, 13ème au classement. Les exécutifs cantonaux comptaient en 2015 24% de femmes, soit une légère tendance à la hausse au cours des 20 années précédentes.

S’agissant du plus particulièrement du Canton de Genève, Lorena Parini et Blanka Roiron, œuvrant au sein de la Faculté des SES, Etudes genre, de l’Université de Genève, ont procédé à l’analyse statistique de la représentation des femmes et des hommes au Grand conseil genevois et au Conseil municipal de la Ville de Genève. Les taux de représentation des femmes au sein du Grand conseil, établis dans cette étude, sont les suivants :

  • 1961 : 8% de femmes ;
  • 1965 : 10% de femmes ;
  • 1969 : 11% de femmes ;
  • 1973 : 13% de femmes ;
  • 1977 : 22% de femmes ;
  • 1981 : 20% de femmes ;
  • 1985 : 25% de femmes ;
  • 1989 : 32% de femmes ;
  • 1993 : 36% de femmes ;
  • 1997 : 23% de femmes ;
  • 2005 : 31% de femmes.

S’agissant des élections les plus récentes, les chiffres sont les suivants :

  • 2009 : 30% de femmes ;
  • 2013 : 24% de femmes ;
  • 2018 : 32% de femmes.

Les détails du système proposé ici
Le système proposé ici a pour objectif de lancer une dynamique de représentation égalitaire des hommes et des femmes. Une fois la dynamique lancée, on peut espérer que la représentation égalitaire des hommes et des femmes entrera dans les habitudes et n’aura plus besoin d’être fixée par la loi. La mesure proposée n’est pas un système de quota, mais un système de double élection simultanée, qui favorise le sexe sous représenté de manière globale, mais sans favoriser individuellement une femme candidate au détriment d’un homme candidat. De même, le votant conserve toute sa liberté puisque il n’est pas obligé de voter pour des hommes ou pour des femmes – il est toutefois vrai que son vote aura le plus de poids s’il utilise ses 50 scrutins masculins et 50 scrutins féminins.

Quelques adaptations des lois électorales sont nécessaires. Il est ainsi prévu que si un parti présente une liste homme et une liste femme, le quorum est déterminé en faisant la somme des voix attribuées aux deux listes. Il s’agit d’une sorte d’apparentement spécial automatique – raison pour laquelle le projet de loi prévoit qu’il n’est pas possible à une liste homme de s’apparenter avec une liste femme. On aurait aussi pu prévoir un système dans lequel le quorum serait fixé à 4% et devrait être atteint séparément par chaque liste, masculine ou féminine. Cela aurait toutefois une incidence plus forte sur le système électoral puisque on pourrait alors assister plus facilement à la création de partis qui ne présenterait que des hommes ou que des femmes. Le but du présent projet n’est pas de favoriser cette éclosion, mais plutôt de s’assurer que les partis existants mettent en place des structures qui favorisent, à l’interne, les femmes.